Le 11 février, c'est à dire vendredi dernier, après 4 réunions de concertation, Mrs Charpin et Trink ont rendu leur rapport pour permettre au Gouvernement d'instituer les règles du jeu de l'après moratoire. Quels sont les enjeux pour le secteur du photovoltaïques français ? Eléments de réponse.
Chacun connaît la teneur des discussions pour en avoir été informé de près ou de loin par les syndicats, associations, professionnels qui se sont mobilisés et qui ont fait valoir les intérêts de la filière ou leurs propres intérêts.
Plusieurs enseignements peuvent déjà être tirés de la politique du Gouvernement en matière d’énergie photovoltaïque. Politique dont certains diront qu’elle est un échec compte tenu de l’absence de développement d’une filière industrielle française, d’autres un succès (fragile toutefois…) compte tenu déjà du nombre d’emplois créés.
Le premier enseignement est que la création d’une filière industrielle ne se décrète pas ! A l’inverse elle peut être encouragée et dans ce cas son émergence doit être favorisée par des textes lisibles, pratiques et stables, pour donner aux industriels la meilleure visibilité possible sur sa pérennité.
Le second est que le soi disant problème de la fixation du tarif d’achat d’électricité n’en est pas un. Il n’a d’ailleurs jamais été un véritable problème dans les autres filières. Le postulat est simple : le tarif d’achat doit tout simplement être celui qui permet économiquement de réaliser et maintenir le système produisant l’électricité vendue. En-dessous de ce fameux seuil économique, le système de production n’est pas réalisable. Au-dessus, il permet aux producteurs de poursuivre leur développement, aux installateurs de construire, aux mainteneurs de maintenir le système en état, aux industriels de fabriquer et à la recherche de proposer des solutions nouvelles. Le rapport de Mrs CHARPIN et TRINK devrait ainsi présenter, comme ils l’ont fait dans d’autres rapports sur d’autres sujets (Cf les quotas de CO2 post 2012), de vrais exemples de réalisation de projets photovoltaïques selon leur nature, leur objet, leur financement, leur durée, leur montage juridique… Les auteurs pourraient alors confirmer que le Gouvernement n’a jamais très bien su finalement ce que finançait le tarif, notamment souvent des intérêts d’emprunts élevés, des commissions bancaires indécentes, des garanties financières superfétatoires !
Bertrand De Gerando
Le troisième est qu’une industrie limitée dans sa production n’a aucun avenir. Avec 5 400 MW envisagée d’ici 2020 par le Gouvernement, la filière industrielle photovoltaïque n’a toujours pas décollée. Imaginons alors la situation lorsque le Gouvernement imposera indirectement de rythmer les cadences de production des panneaux à 500 MW par an… C’est comme si vous faisiez miroiter 6000 MW dans l’éolien offshore, pour les réduire à 3 000 MW quelques mois plus tard, et aboutir au final à une limitation de la production d’éolienne à 500 MW par an !!! La question est ici d’actualité : l’histoire se répètera-t-elle dans l’éolien offshore ? Ce qui est certain c’est qu’il n’y aura pas de filière industrielle éolienne (en mer) si l’histoire du secteur photovoltaïque se répète dans le secteur de l’éolien offshore. Soyons clair, l’enjeu n’est plus aujourd’hui de développer une filière industrielle, mais de permettre tant bien que mal à deux ou trois industriels de tirer leur épingle du jeu. Peut-on en effet parler d’une véritable filière industrielle de l’éolien en Espagne (4 ou 5 fabricants) au regard du nombre au moins 5 fois plus important de fabricants en Allemagne ?
Bien sûr les prétoires sont souvent très éloignés de ces considérations et les jurisprudences récentes des juridictions administratives au sujet des derniers atermoiements du Gouvernement en témoignent. Il n’est pas cependant interdit de réfléchir autrement et de souligner que certaines politiques énergétiques nationales ne correspondent pas aux vrais enjeux internationaux.
Dans le secteur de l’énergie photovoltaïque, le terrain de jeu n’est plus, depuis longtemps, circonscrit au territoire national. Les panneaux sont européens, chinois, coréens, américains, indiens… Les installateurs et mainteneurs français travaillent sur d’autres régions du monde (l’Afrique, l’Europe de l’Est…). Certains de nos industriels fabriquent en dehors de nos frontières (Afrique du Sud, Espagne…). Les montages financiers et juridiques sont internationaux, tendant notamment vers la mise en oeuvre d’autres mécanismes de flexibilité (MOP, MDP…) ou de participations (banque mondiale, BEI, fonds verts internationaux…). Les projets sont transfrontaliers (PSM, MEDGREEN, DESERTEC…). Les réseaux de transport sont plus que jamais européens (Cf Commission européenne du 17 novembre 2010 sur le paquet « infrastructures » : interconnexions EST-OUEST, NORD-SUD…).
Alors, devons-nous attendre de participer à ce mouvement, dans ce secteur comme dans d’autres secteurs de l’énergie, sous prétexte que les chinois produisent des panneaux moins chers et de bonne qualité* ? Avons-nous déjà oublié que nous faisons partie depuis 1995 de l’Organisation Mondiale du Commerce ? Allons-nous encore une fois brider nos ingénieurs et nos chefs d’entreprises aux portes de nos frontières sachant qu’ils ne disposeront bientôt plus d’aucune référence (comme d’aucune chance) pour candidater à des appels d’offres privés et publics européens et internationaux ?
Par Bertrand De Gerando
DEJA PUBLIE
Pourquoi la France ne sera pas l’industrie photovoltaïque de demain
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