Directeur général adjoint de Proserpol, constructeur de stations de traitement et de recyclage d'effluents liquides industriels, François Morier dresse les grandes tendances du secteur. DCO dure, micropolluants, re-use, nanofiltration, désindustrialisation... les défis sont nombreux pour l'industrie.
Techniques de l’ingénieur : Quelles sont les grandes problématiques auxquelles sont confrontés vos clients ?
François Morier : L’un des sujets importants est la DCO (demande chimique en oxygène) dite dure et le traitement complet et fiable de l’azote sous toutes ses formes. Les micropolluants vont constituer le sujet qui fâche dans les prochaines années. Nous rencontrons désormais moins de problèmes sur les métaux lourds et le phosphore. De plus en plus, la réutilisation de l’eau (re-use) est une préoccupation majeure de nos clients. Nous travaillons par exemple sur un projet stimulant d’arrosage d’un golf à partir d’un plan d’eau alimenté en eau traitée d’une industrie agro-alimentaire.
Quelles sont les nouvelles technologies qui se développent actuellement ?
Pour le prétraitement des effluents contenant de la pollution organique, le MBBR (moving bed biological reactor) permet d’obtenir des effluents rejetables dans le milieu urbain. Il reste assez rare mais il va se développer. Pour des problèmes plus poussés de DCO dure sur des petits débits, l’évapoconcentration est une solution intéressante, couplée à la nanofiltration ou à l’osmose inverse, ce qui permet de recycler l’eau. C’est une technologie déjà bien établie qui va continuer à se répandre. Autre technologie, le bioréacteur à membrane, parfois complété par la nanofiltration, permet de résoudre des cas de pollution biodégradable en obtenant le plus souvent un rejet en milieu naturel. Dans le cas particulier d’une DCO dure, on peut aussi compléter par adsorption sur charbon actif.
Quelles sont les technologies vertes pour les traitements des effluents industriels ?
Il n’existe pas de technologie verte en tant que telle. Une approche dite verte consiste à réduire la consommation d’eau à la source, à réduire l’entraînement de matière dans la production des effluents et à réduire la consommation de réactifs chimiques, aussi bien dans la production que dans le traitement. Ensuite, on obtient des effluents à traiter et on trouve le meilleur compromis. Cette démarche est déjà relativement bien menée en France depuis une dizaine d’années. Aujourd’hui, on obtient le plus souvent un effluent résiduel du fait du niveau technologique de l’usine. Pour le réduire, il faudrait construire une nouvelle usine. Par exemple, si on a 10 km d’égouts dans une usine, ce sera difficile de s’assurer qu’aucune goutte d’eau ne pénètre à l’intérieur en cas d’orage. Dans une usine neuve, on aurait organisé un traitement décentralisé et on aurait mis en place des procédés sans eau. La désindustrialisation ne va pas dans le sens d’un ratio amélioré entre flux de pollution et flux de production. On doit gérer une pollution historique, alors qu’il faudrait des usines neuves.
Peut-on réduire les coûts ?
Le prix de l’eau d’apport ne baisse pas. Le coût de la destruction des déchets reste stable. Le coût des réactifs comme la soude ou la chaux dépend du coût de l’énergie, il ne baisse pas. En parallèle, on demande de plus en plus de suivi et d’analyses qui coûtent cher. Et cela va s’amplifier avec la réglementation à venir sur les micropolluants. On demande de nouvelles recherches et la réduction de substances dangereuses. Les industriels rencontrent des difficultés d’échantillonnage et d’analyse, avec des coûts élevés. L’investissement nécessaire peut être important. Lorsqu’on a quelques nanogrammes d’un produit dans une boue, c’est difficilement analysable. Il faut ensuite trouver un procédé pour traiter les effluents et prouver que ce procédé fonctionne.
Les établissements soumis à autorisation vont devoir réduire ou supprimer les rejets de substances dangereuses. Cela passe par une réduction à la source. C’est une problématique classique pour la chimie, mais cela va maintenant concerner tous les industriels, avec des répercussions sans doute inattendues. Par exemple, un industriel peut très bien rejeter un produit qu’il n’a pas acheté, comme des traces d’une substance présente dans l’eau d’appoint ou dans une matière première.
Quelles technologies permettront-elles de résoudre ce problème ?
On utilisera probablement des technologies classiques comme la séparation de flux en tête ou le charbon actif. Il y aura des cas où nous serons limités technologiquement. L’industriel devra faire remonter l’information au chimiste, qui devra remplacer son produit par un autre.
Cette réglementation va-t-elle dans le bon sens ?
La meilleure écologie pour une rivière, c’est l’absence d’industrie. Il existe une limite entre le bon sens et la désindustrialisation complète, qui ne va pas forcément dans le bon sens. Il faut étudier les situations depuis différents points de vue, environnemental mais aussi économique.
Propos recueillis par Corentine Gasquet
Parcours
De formation scientifique, François Morier est au service de Proserpol depuis plus de 30 ans. D’abord ingénieur procédé, il est désormais directeur général en binôme avec son président Jean-Pierre Jacque. Proserpol étudie et construit des stations de traitement et de recyclage d’effluents liquides industriels. Son point fort est la diversité des techniques utilisées : de l’échange d’ions pour recycler de l’eau ultra-pure à la valorisation de la biomasse par méthanisation.
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