Au cours de la dernière décennie, nous avons financé nombre d'imposteurs sans résultats notoires. La faute en incombe à l'incapacité de nos dirigeants politiques à distinguer le bon grain de l'ivraie. Ils écoutent - généralement les personnes qui peuvent en retirer un profit - et distribuent l'argent. Des milliards de dollars et peu de progrès plus tard, eux ou leurs successeurs commencent à réaliser la supercherie.
Les imposteurs de la prochaine génération de biocarburants sont les sociétés ou les groupes qui promettent monts et merveilles de leur technologie malgré les obstacles considérables (et souvent méconnus) liés à sa commercialisation.Voici quelques exemples :L’hydrogène : ses partisans ferment les yeux sur les réalités pratiques, à savoir le coût d’une voiture à piles à combustible (estimé à un million de dollars). Le fait que la majeure partie de l’hydrogène est produit à partir de gaz naturel, la faible densité énergétique de l’hydrogène par rapport à l’essence, les problèmes liés à son stockage et à son transport… Ils comptent en effet sur le progrès technologique pour pallier à ces problèmes.Mais les chances de succès diminuent rapidement alors que le nombre d’avancées technologiques requises ne cesse d’augmenter. Imaginons que les coûts de production, de stockage et de transport ont respectivement 25 % de chance de devenir économiquement viables au cours des 20 prochaines années. La probabilité de réussite pour l’ensemble tombe alors à 1,5 %. Dans ces conditions, la grande majorité des technologies nécessitant encore de multiples avancées ne sera pas commercialisée, ou alors dans beaucoup plus longtemps.L’éthanol de cellulose : cet exemple est similaire. La raison fondamentale pour laquelle l’éthanol de cellulose ne remplacera pas l’essence est sa faible efficacité énergétique. La cellulose est décomposée en sucres qui fermentent avec de la levure avant distillation. Le processus pour éliminer l’eau consomme beaucoup d’énergie. Même si celle-ci est fournie par les produits secondaires comme la lignine, la quantité de carburant liquide obtenue à l’issue du processus est plus faible que les quantités de départ.Prenez 10 BTU de biomasse (1 BTU est la quantité de chaleur nécessaire pour accroître la température d’un degré Fahrenheit par unité de masse de 1 livre d’eau, soit une masse de 0,4535924 kg). Son transport et sa transformation consomment de l’énergie. Aussi brûle-t-on une partie de la biomasse pour fournir l’énergie nécessaire au processus. On obtient alors environ 3 BTU de carburant liquide à partir des 10 BTU de biomasse initiaux.La situation du schiste bitumineux est analogue. C’est pourquoi j’ai pu comparer les deux dans un précédent article. Il peut bien y avoir un trillion ou plus de barils de schiste bitumineux dans le Colorado, l’Utah et le Wyoming. Mais si l’extraction de ces barils consomme l’équivalent d’un trillion de barils en énergie et des quantités considérables d’eau, alors ce schiste bitumineux pourrait tout aussi bien se trouver sur la lune. Cela signifie qu’un trillion de barils ne représente pas vraiment un trillion de barils et que dans le cas du schiste bitumineux, un milliard de tonnes de biomasse est moindre qu’il n’y parait lorsqu’il s’agit d’éthanol de cellulose.Le biocarburant algal : comme beaucoup, je me suis enthousiasmé à l’idée de débarrasser le monde des carburants fossiles en utilisant du carburant produit à partir d’algues. Malheureusement, l’histoire est plus complexe que cela. Le Département Américain de l’Energie a financé pendant plusieurs années une étude sur le potentiel des algues comme carburant. Le problème vient une fois de plus de la nécessité de surmonter de multiples obstacles techniques, comme le souligne le rapport. Alors qu’il est prouvé que l’on peut produire du carburant à partir d’algues, John Benneman, l’un des co-auteurs du rapport, écrit qu’il est même impensable de pouvoir acheter du biocarburant algal à $100/gallon. Pour distinguer la réalité du battage publicitaire, il nous met au défi d’arriver à trouver quiconque qui accepte de signer un contrat d’approvisionnement en biocarburant algal.La première génération de biodiésel : cet article traite en priorité de la deuxième génération de biocarburants et je ne vais pas rentrer dans le sujet de l’éthanol de maïs. Mais je voudrais dire un mot du biodiésel. En bref, il s’agit de transformer de l’huile végétale ou de la graisse animale par un procédé de transestérification en la faisant réagir avec du méthanol (principalement dérivé d’énergies fossiles).La production de la plupart des huiles utilisées comme matière première demande beaucoup d’efforts (énergie, coût). Il faut ensuite les faire réagir avec du méthanol qui consomme une quantité importante d’énergie fossile. Jusqu’à aujourd’hui, les producteurs de biodiésel ont bénéficié de mesures protectionnistes (allant jusqu’à pénaliser la seconde génération de producteurs pourtant plus efficace). Mais même avec le protectionnisme et les subventions, les producteurs luttent encore pour survivre.En brefPour résumer, les imposteurs des biocarburants tombent dans plusieurs catégories. Les principales sont :
L’hydrogène
La plupart des futurs producteurs d’éthanol de cellulose
La plupart des futurs producteurs de biocarburant algal
La plupart des producteurs de biodiésel de première génération
Je ne veux pas dire par là qu’aucune de ces technologies n’aboutira jamais mais je suis persuadé qu’aucune n’est une solution viable à notre dépendance aux énergies fossiles. Le problème est que les dirigeants politiques ont été ou sont toujours convaincus du grand potentiel de certaines et que nous gaspillons des milliards pour des chimères.Source : R-Squared Energy BlogRobert Rapier a voué sa carrière à l’énergie. Il a travaillé sur l’éthanol de cellulose, la production de butanol, le raffinage du pétrole, la production de gaz naturel et le GTL. Il était auparavant directeur ingénierie chez Accsys Technologies et se trouve actuellement à Hawaii où il participe à la création d’une société sur la bioénergie.
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