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Décryptage

Les biocarburants menacent les réserves d’eau douce

Posté le par La rédaction dans Environnement

[Tribune] Lucas Reijndres

La compagnie pétrolière Shell a annoncé qu'elle mettait fin à ses investissements dans l'énergie éolienne pour se concentrer sur les biocarburants. Cette annonce a lieu au moment où les inquiétudes grandissent quant à l'impact de la production de biocarburants sur les ressources en eau douce.

Dans une étude à paraître dans Energy Policy, Hong Yang et ses collègues (1) analysent les besoins en eau afin d’atteindre les objectifs fixés par la Chine d’ici 2020 en matière de production de biocarburants. Le gouvernement chinois envisage en effet de produire 12 millions de tonnes de biocarburants. Yang et ses collègues prennent pour hypothèse qu’il s’agira de bioéthanol fabriqué à partir du maïs.

Yang et son équipe ont calculé que pour produire ces 12 millions de tonnes de bioéthanol, l’équivalent du débit annuel du Fleuve Jaune était nécessaire. C’est un très lourd fardeau pour la Chine. 64% des terres arables se trouvent dans le nord de la Chine où le niveau des nappes phréatiques diminue dans la mesure où la consommation d’eau dépasse les stocks (2). Yang et ses collègues lancent ainsi un avertissement concernant l’impact des objectifs chinois de production de biocarburant sur le prix des denrées alimentaires et sur l’environnement.

La Chine n’est pas le seul pays où l’on peut craindre de graves conséquences des suites de la demande massive en eau engendrée par la production de biocarburants. Le niveau des nappes phréatiques diminue également dans la plupart des zones de cultures de féculents en Inde et dans l’Ouest des Etats-Unis.

Des ressources en eau douce trop limitées ?

L’Australie, autre grand producteur traditionnel de culture de féculents pouvant servir à produire du biocarburant, souffre depuis plusieurs années d’une grave sécheresse. Des études ont montré qu’en raison du changement climatique, une telle sècheresse pourrait dans l’avenir affecter également l’Ouest américain.

Si on considère la production mondiale de biocarburants, le laxisme n’est pas de mise. Quand tout les carburants fossiles seront remplacés dans le monde par du bioéthanol tiré du maïs, près de 6.000 km³ d’eau douce sera nécessaire. En comparaison, la quantité totale d’eau douce disponible chaque année est aujourd’hui estimée à 13.500 km³. Fabriquer du biocarburant à partir du blé, du soja ou du colza réclamerait une quantité encore plus importante d’eau que pour la production de bioéthanol à partir du maïs.

Ainsi, il semble nécessaire que les gouvernements des pays ne disposant que de faibles quantités d’eau douce, et les gros producteurs comme Shell avec des plans ambitieux pour étendre la production de biocarburant, réévaluent leur projet à l’aune de leur impact sur les ressources futures en eau douce.

Sources :
(1)H. Yang, Y. Zhou, J. Liu. Land and water requirements of biofuel and implications for food supply and the environment in China. Energy Policy (à paraître)
(2)S. Khan, M.A. Hanjra, J. Mu Water management and crop production for food security in China: a review. Agricultural Water Management 2009; 96: 349-360

Par Lucas Reijndres, professeur en sciences environnementales à l’Université d’Amsterdam depuis 1988 et à l’Université ouverte des Pays-Bas depuis 1999, et éditorialiste à Scitizen.com

Posté le par La rédaction


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