Une étude publiée en février 2009 dans le journal « Environmental Science and Technology » révèle que la production de bioéthanol aux Etats-Unis consommerait trois fois plus d'eau que ce qui avait été initialement estimé.
Les producteurs américains d’éthanol n’avaient pas besoin de mauvaises nouvelles supplémentaires. En dépit des aides fédérales et étatiques et d’un mandat fédéral en progression constante pour l’utilisation de ses produits, l’industrie américaine d’éthanol a souffert de ses faibles marges suite au choc pétrolier de l’année dernière.Un certain nombre de grandes comme de petites sociétés ont été forcées de s’en remettre au Chapitre 11 sur la protection des faillites. VeraSun, ex-leader de l’industrie qui a fait aujourd’hui faillite, a récemment vendu sept de ses usines à la compagnie pétrolière indépendante Valero, et plusieurs autres à ses créanciers. Mais alors que la controverse « pétrole contre nourriture » de l’année dernière a presque disparu, grâce à la baisse des prix du maïs, une nouvelle étude de l’Université du Minnesota suggère que certaines productions d’éthanol consomment davantage d’eau que précédemment estimé : de l’ordre de 529 litres pour chaque litre d’éthanol produit dans les états où les cultures doivent être irriguées.Ce résultat infirme encore un peu plus les bénéfices environnementaux d’un carburant qui économise une quantité non négligeable de pétrole mais nécessite un apport important en gaz naturel et autres carburants fossiles, n’offrant qu’un faible progrès en terme de gaz à effet de serre par rapport à l’essence.
529 litres d’eau pour produire un litre d’éthanolQuant aux autres dommages environnementaux dont il est responsable, l’impact majeur de l’éthanol sur l’eau a lieu en amont de l’usine d’éthanol. L’eau utilisée dans les processus de traitement du maïs, d’hydrolyse, de fermentation et de distillation de l’éthanol ne compte que pour 3 % dans la consommation totale en eau analysée par Chiu, Walseth et Suh dans leur article « La contribution de l’eau dans le bioéthanol aux Etats Unis ».Ils ont aussi noté des écarts considérables du ratio de la consommation totale en eau (irrigation et processus) par unité d’éthanol produit par état : ainsi, inférieur à 10 pour 1 dans l’Iowa, le Kentucky et l’Ohio, il est supérieur à 1.000 pour 1 en Californie, dans le Colorado, le Nouveau Mexique et le Wyoming !Heureusement, ces derniers n’ont contribué qu’à 3 % de la production d’éthanol en 2007 comptabilisée dans l’étude, ce qui donne une moyenne nationale de 36 litres pour 1 litre d’éthanol. Cependant, deux états gros producteurs d’éthanol, le Kansas et le Nébraska, comptent pour 14 % de la production d’éthanol et plus de la moitié de la consommation d’eau des Etats Unis pour l’éthanol, avec des ratios supérieurs à 500 pour 1. Un tableau sur le site Technology Review du MIT illustre ces variations état par état.Ces découvertes s’ajoutent à une liste déjà intimidante de préoccupations concernant la viabilité à long-terme d’une politique énergétique alternative qui reposait principalement jusqu’à maintenant sur des récoltes nécessitant un apport en eau extrêmement élevé, et des engrais dérivés du gaz naturel.
Le progrès ne se fait pas à la demandeLa dépendance à l’eau de l’éthanol de maïs paraît encore moins durable sous divers scénarios de changement climatique, que ce carburant devait ironiquement aider à atténuer. Pour dire les choses simplement, si les réserves d’eau devaient être encore plus restreintes dans l’ouest et le sud-ouest dans le futur, la dernière chose à faire serait de les détourner pour l’usage d’un substitut au pétrole à la consommation aussi intensive.Il y a urgence pour passer à une logique de matières première à base de cellulose demandant peu ou pas d’irrigation, du moins pour ces états où le ratio eau/éthanol est supérieur à la moyenne nationale. Mais malheureusement, augmenter le budget de la recherche et en faire un objectif prioritaire ne garantit pas que les technologies actuelles de l’éthanol de cellulose, au stade expérimental, soient économiquement viable à grande échelle. Le progrès ne se fait pas à la demande.Les résultats obtenus par Chiu, Walseth et Suh fournissent un support supplémentaire pour une réévaluation approfondie des politiques américaines liées aux biocarburants. Faire passer encore plus d’éthanol dans l’essence aurait des conséquences incertaines pour les automobilistes. De plus, étendre nos ressources agricoles en développant des cultures non durables de biocarburants, dont la contribution à la lutte pour réduire les gaz à effet de serre est remise en question, le gouvernement devrait demander au Congrès de geler la part de l’éthanol conventionnel du Renewable Fuel Standard (une obligation d’incorporation de biocarburants) à son niveau actuel de 40 milliards de litres d’éthanol pour 2009.C’est une augmentation de 9 % par rapport à la consommation de 2008, qui était de 36 milliards de litres, nécessitant plus de 3,78 trillions de litres d’eau pour leur production. Les augmentations futures devraient attendre soit la mise sur le marché d’un éthanol de cellulose, soit l’application de restrictions concernant la part d’eau et d’énergie fossile de ce carburant. Cela n’aidera pas l’industrie actuelle de l’éthanol surconstruite, mais ainsi, on s’assurera que nos descendants profiteront d’un futur plus durable.Source : Chiu et al. Water Embodied in Bioethanol in the United States. (Feb. 2009). Environmental Science & Technology, 2009; 43Geoffrey Styles est gérant de GSW Strategy Group, LLC, une firme de consultants sur l’énergie et les stratégies environnementales. Il a également un blog : Energy Outlook
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