La possibilité de production de carburants - notamment d'avions - à partir de micro-algues est très à la mode. Mais il n'est pas sûr qu'ils aient un sens si l'on considère le bilan énergétique de leur fabrication telle qu'envisagée aujourd'hui.
Les biocarburants algaux – à savoir des huiles d’algues à base esters de glycerol d’acides gras – sont un sujet d’actualité brûlant. Airbus se réjouit de l’idée tandis que la compagnie pétrolière Shell et la compagnie aérienne Air France sont impliquées dans le développement de cette production d’huile d’algues, ainsi qu’un certain nombre de start-ups. J’ai entendu il y a peu un représentant de l’une de ces start-ups actives dans le domaine, Algae-Link, affirmer sur le Service Mondial de la BBC que les biocarburants algaux sont excitants car réalisables. Algae-Link travaille avec des bio-réacteurs tubulaires qui produisent des microalgues en serre. Des journaux spécialisés ont publié des articles vantant la productivité élevée des algues en matière de biocarburants. La couverture médiatique est tout aussi dithyrambique sur le sujet.Pourtant, il y a un silence remarquable de ses supporters quant aux dépenses en énergies fossiles liées à la production de biocarburant algal.Ceci est très curieux. Les estimations montrent que, dans le cas de l’utilisation de bio-réacteurs tubulaires pour produire du biocarburant algal, la balance énergétique est susceptible d’être négative : c’est-à-dire que la contribution en termes d’énergie fossile excède probablement la production de biocarburant.La culture de microalgues en bassins ouverts réduit certes les dépenses d’énergie fossile. Cependant, dans les conditions normales d’un bassin ouvert, les algues sont la proie de prédateurs tels que les puces d’eau. À cela s’ajoute la présence d’autres espèces d’algues parasites.En outre, la culture de microalgues destinées à la production de carburant requière des conditions optimales, telles qu’un pH élevé (eau alcaline) ou une concentration en sel très élevée, incompatibles avec une productivité élevée. Elles nécessitent également un traitement des déversements qui entraîne à son tour un surcroît de consommation d’énergie.Les données les plus optimistes que j’ai pu trouver concernant la consommation d’énergies fossiles pour la culture de microalgues en bassins ouverts (2) équivalent grosso modo au pouvoir calorifique des rendements d’algues les plus élevés rapportés dans les bassins aujourd’hui commercialisés et en opération (3). Voilà pourquoi, au regard des technologies de production actuelle, les biocarburants à base d’algue n’ont pas de sens d’un point de vue énergétique.Ils peuvent en avoir lorsqu’on ajoute du dioxyde de carbone libre, provenant par exemple des émissions des centrales électriques. Toutefois, jusqu’à aujourd’hui, les recherches en la matière se sont avérées décevantes (4). Il semble très difficile d’obtenir une production d’algues fiable lorsque les émissions des centrales électriques sont capturées dans les bassins. D’autre part, l’efficacité de la transformation du dioxyde de carbone en biomasse algale est faible comparée à celle de la capture de CO2 dans des gisements de gaz naturels épuisés ou des aquifères. C’est un inconvénient majeur dans la course à la concurrence pour contrôler les émissions de gaz à effet de serre.Enfin, on comprend difficilement l’intérêt des compagnies aériennes et d’Airbus. À l’altitude de vol des avions, les températures sont si basses que le carburant algal gèlerait.Les supporters du biocarburant algal semblent de toute apparence très doués en relations publiques. Mais personne n’a encore démontré de façon convaincante que, dans la réalité, le biocarburant à base d’algues a un sens.
Sources :(1) R.R. Wijffels, Trends in Biotechnology 26 (2008) 26-31(2) Y. Chisti, Trends in Biotechnology 26 (2008)351-352(3) C.Jimenez et al. Aquaculture 221 (2003) 331-345(4) J.R. Benemann et al. Greenhouse Gas Control Technologies – 6th International Conference 2003 14433-1438Lucas Reijndres est professeur en sciences environnementales à l’Université d’Amsterdam depuis 1988 et à l’Université ouverte des Pays-Bas depuis 1999 et éditorialiste à Scitizen.com.
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