Face à l’état des ressources mondiales en énergie et au changement climatique, pourquoi et en quoi notre habitat doit-il changer ? Retour sur les fondamentaux.
Epuisement des ressources pétrolières, dégradation du climat… Deux constats qui aujourd’hui ont de plus en plus d’échos, mais où tout reste à faire. « Nous sommes dans une société énergivore. Nous avons pris l’habitude de consommer une énergie peu chère, facilement transportable, et ceci depuis maintenant un peu plus d’un siècle, martèle Didier Roux, directeur recherche et développement chez Saint-Gobain. Cette situation est précaire, et nous sommes désormais confrontés à un nouveau défi celui de l’épuisement des ressources naturelles et en particulier des énergies fossiles. »
En effet, l’épuisement des ressources pétrolières est prévu pour le milieu de ce siècle. Il y a eu une industrie avant l’exploitation des ressources pétrolières, et il y aura une industrie après la fin de l’exploitation des ressources pétrolières. La question, aujourd’hui, est de savoir laquelle ? Ainsi, la problématique n’est pas de savoir si l’épuisement des ressources pétrolières est un drame, mais plutôt, la façon dont nous allons nous adapter.
Bien sûr, il y a le gaz et le charbon. Cependant, la courbe des ressources disponibles pour ces deux carburants fossiles est la même que pour le pétrole. Elle est juste décalée de quelques décennies. A l’échelle d’environ deux siècles, nous aurons épuisé les énergies fossiles dans leur totalité. Une transition vers d’autres formes d’énergie doit donc s’opérer. Mais ce n’est pas tout.
A cela, vient s’ajouter une deuxième problématique : celle du changement climatique. L’augmentation des températures et la consommation des énergies fossiles sont corrélées, cela est une évidence. Personne ou presque ne le conteste. La quantité de CO2 dans l’atmosphère est beaucoup plus élevée que par le passé, et cela est sans aucun doute lié aux activités humaines.
Cette augmentation de la concentration de CO2 atmosphérique a des répercussions négatives sur l’équilibre biologique de la terre, dont la principale, et la plus médiatisée, est l’augmentation des températures. « Des modèles récents prévoient une augmentation de 4,5 °C d’ici la fin du siècle », insiste Didier Roux.
Mais en quoi modifier notre habitat peut-il sinon changer la donne, du moins contribuer à ne pas aggraver la situation ?
L’habitat, un tiers de la facture énergétique mondiale
Un premier élément de réponse se trouve dans la manière dont se répartit notre consommation d’énergie aujourd’hui :
- Un tiers est utilisé dans l’industrie pour fabriquer des produits manufacturés ;
- Un autre tiers est utilisé pour les transports : voitures, avions, bateaux, trains ;
- Le dernier tiers est utilisé pour chauffer l’habitat, au sens large.
Ces chiffres sont au premier abord surprenant. On s’attent à ce que l’énergie consommée par l’industrie et les transports soit beaucoup plus importante, proportionnellement, que celle consommée par l’habitat.
Maintenant, voyons à quoi sert cette énergie dans l’habitat. Selon Didier Roux, « 80 % sert à chauffer : eau chaude, fabrication de chaleur. Le reste est dédié aux appareils électriques et à la lumière. Or, si tous les bâtiments dans lesquels nous vivons et nous travaillons étaient aux normes de ce que ce que nous construisons aujourd’hui, c’est-à-dire aux normes RT 2005, la quantité d’énergie nécessaire au chauffage de tous les bâtiments existants serait diminuée de trois-quarts.
Ainsi, nous gaspillons énormément d’énergie. Environ 30 % de l’énergie totale consommée pour l’activité humaine, sert à chauffer des bâtiments qui ont été construits à une époque où l’on ne se préoccupait pas de l’énergie que l’on consommait », ajoute-t-il. D’où l’importance de l’efficacité énergétique des bâtiments ! En termes d’économies d’énergie, l’enjeu est tout simplement colossal.
Et ce d’autant plus, qu’au niveau industriel aussi bien qu’au niveau des transports, les économies d’énergie sont compliquées à mettre en place. Du côté des fabricants et des prestataires, la seule solution, hormis l’initiative personnelle, est la mise en place de consensus, de règles pour tous. Or, on sait que cela est compliqué. Parfois tout à fait impossible. Quant aux consommateurs, au-delà des déclarations d’intention, force est de constater qu’il est très difficile de les faire changer de comportement ou de mode de vie.
Changer les comportements sans changer le quotidien
De ce constat, Didier Roux tire une conclusion simple mais éloquente. « Si aujourd’hui, il fallait économiser 30 % de notre énergie et que l’on décidait d’arrêter de fabriquer des produits, notre quotidien serait profondément modifié. Le raisonnement est le même en ce qui concerne les transports. Mais si nous décidions d’économiser de l’énergie en améliorant l’efficacité énergétique des bâtiments, notre vie ne s’en trouverait pas changée, elle s’en trouverait améliorée. »
Pourtant, les efforts en ce sens ont mis du temps à trouver un écho, et c’est encore le cas aujourd’hui, bien que la prise de conscience collective vis-à-vis du changement climatique ait des retombées positives au niveau du secteur du bâtiment. Ces retombées positives se concentrent en une expression, objet de la recherche que mène actuellement de nombreuses entreprises : l’efficacité énergétique.
C’est d’ailleurs à partir de ce constat qu’un grand nombre de pays, les Allemands d’abord, puis un grand nombre de pays européens et mondiaux, ont décidé de mettre en place des processus de renouvellement de l’habitat, notamment ancien. La France a pris beaucoup de retard, mais a décidé de franchir le pas, à l’occasion du Grenelle de l’environnement notamment, ou des décisions historiques ont été prises. Mais tout le travail reste à faire, et il est colossal.
« En Europe, 70 % des habitations ont été construites avant 1970, dans des conditions où l’on ne se préoccupait pas de l’efficacité énergétique », rappelle Didier Roux. Il est vrai qu’à cette époque, la méconnaissance des enjeux climatiques, l’accès à une énergie fossile facile, peu coûteuse, ont donné lieu à des habitudes de consommation qui sont précisément celles qui sont désormais combattues, et jugées comme inconscientes par beaucoup.
Quoi qu’il en soit, l’habitat au sens large, individuel, collectif, les bâtiments d’entreprises, les bâtiments publics, administratifs, sont aujourd’hui concernés par la nécessité de consommer l’énergie différemment, et à termes, de trouver des modes de fonctionnement indépendants des énergies fossiles.
Par Pierre Thouverez
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