Une espèce d’oiseau protégée, l’outarde canepetière, pourrait conduire à mettre sur pause la réserve d’irrigation contestée de Sainte-Soline (Deux-Sèvres): le rapporteur public a préconisé, mardi, d’annuler l’arrêté préfectoral qui l’encadre car il contrevient à la préservation du volatile.
Une dizaine d’associations environnementales ont attaqué devant la cour administrative d’appel de Bordeaux les autorisations délivrées par l’État pour construire et exploiter 16 retenues d’eau à usage agricole dans le Marais poitevin, dont celle de Sainte-Soline qui cristallise les oppositions depuis une violente manifestation autour du chantier en mars 2023.
Nature Environnement 17, la Ligue de protection des oiseaux et des fédérations de pêcheurs, parmi d’autres structures, demandent d’annuler les arrêtés préfectoraux relatifs au projet, arguant qu’ils portent atteinte à la préservation de plusieurs oiseaux menacés, dont l’outarde devenue la mascotte des opposants.
Les requérants, déboutés en première instance à Poitiers, accusent aussi les réserves dites de substitution, que l’on remplit l’hiver en pompant dans les nappes afin de pouvoir irriguer en été, de nuire à l’équilibre de la ressource en eau.
Mardi, le rapporteur public a écarté les arguments des associations sur ce dernier point. Il a estimé, en revanche, que l’implantation de quatre des seize retenues dans « un des derniers secteurs propices à la reproduction de l’outarde » portait atteinte à la préservation de l’espèce, « en voie d’extinction ».
Le magistrat a conclu, en conséquence, à l’annulation des arrêtés préfectoraux s’agissant de ces quatre réserves d’irrigation, au motif qu’ils « ne comportent pas de dérogation à l’interdiction de destruction des espèces protégées » prévue par le Code de l’Environnement.
En attendant la délivrance « éventuelle » de cette dérogation, il a préconisé de suspendre l’exécution des arrêtés pour les bassines concernées, dont celle de Sainte-Soline, en cours de remplissage cet hiver en vue d’irriguer 12 fermes l’été prochain. Les trois autres sont en chantier.
– Contexte « très tendu » –
La cour a indiqué qu’elle rendrait son arrêt « à partir du 18 décembre ».
Présent à l’audience, Thierry Boudaud, président de la Coop’ de l’Eau, groupement d’environ 450 irrigants qui porte le projet de retenues, a jugé qu’une telle décision de suspension serait « disproportionnée ».
L’éventualité de ne pas pouvoir prélever d’eau dans celle de Sainte-Soline, dans quelques mois, serait très difficile à avaler, « économiquement et moralement », pour les agriculteurs concernés, a-t-il prévenu.
Il a rappelé que le projet contesté depuis plusieurs années, via des manifestations et devant la justice, avait initialement fait l’objet, en 2018, d’un protocole d’accord avec les associations, qualifiant les recours engagés depuis par celles-ci de « trahison ».
Marie Bomare, juriste pour Nature Environnement 17, a rétorqué que les engagements pris par les irrigants dans le cadre de ce protocole, portant sur l’adoption de pratiques agro-écologiques en échange d’un accès à la retenue d’eau, n’étaient « pas respectés ».
Après ces interventions, la cour a salué la sérénité des débats, en dépit d’un contexte décrit comme « très tendu » sur le terrain entre pro et antibassines.
Les représentants du ministère de la Transition écologique, qui soutient le projet des réserves financé à 70% par de l’argent public, n’ont pas fait d’observations.
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