L’Europe subit un décrochage économique face aux Etats-Unis et doit se réformer radicalement si elle veut éviter « une lente agonie », a averti l’ancien président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, dans un rapport discuté vendredi par les dirigeants de l’UE.
« Le revenu par habitant a augmenté presque deux fois plus aux Etats-Unis qu’en Europe depuis 2000 », alerte le responsable italien, dans ce document de 400 pages commandé par la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen pour inspirer les politiques de son deuxième mandat.
Pas assez productive, trop peu innovante, trop dépendante de la Chine pour certaines technologies ou matières premières, l’Union européenne doit renforcer ses politiques communes tout en allégeant sa bureaucratie, affirme Mario Draghi.
Entre désaccords idéologiques et intérêts divergents, les débats s’annoncent pourtant houleux entre les Vingt-Sept. Tour d’horizon des sujets les plus discutés.
– Une politique commerciale moins naïve –
L’Union européenne doit se défendre contre les pratiques commerciales agressives de la Chine et des Etats-Unis, sans pour autant tomber dans un protectionnisme qui lui serait néfaste, plaide M. Draghi.
L’ancien président de la Banque centrale européenne (BCE) défend la mise en place d’une stratégie industrielle à l’échelle de l’UE, avec des mesures « très prudentes » adaptées « secteur par secteur » qui doivent être « axées uniquement sur le rétablissement de conditions de concurrence équitables ».
« L’utilisation des mesures commerciales doit être pragmatique et alignée sur l’objectif global d’augmenter la croissance de la productivité de l’UE », estime-t-il.
Les surtaxes jusqu’à 35% imposées par l’Union européenne aux voitures électriques fabriquées en Chine s’inscrivent dans cette logique.
– Des fusions pour l’innovation –
L’innovation dans le secteur technologique nécessite de très gros budgets que seules les plus grandes entreprises sont en mesure d’assumer. D’où une course à la taille au niveau international qui se traduit par des mariages géants.
Or, quand la Commission européenne, gendarme de la concurrence dans l’UE, étudie une fusion, elle prend essentiellement en compte son impact sur les prix. Pour M. Draghi, la réglementation des concentrations doit être adaptée afin de tenir compte aussi de ses effets positifs sur l’innovation, en contrepartie d’engagements des groupes concernés en matière d’investissements.
Dans un domaine spécifique, les télécommunications, il recommande de « faciliter » les fusions pour créer des opérateurs à l’échelle européenne afin d’améliorer l’investissement dans les réseaux.
– Un marché unique de la finance –
L’Europe a besoin d’investir de 750 à 800 milliards d’euros par an dans l’innovation numérique, la transition verte et la défense. Mais, face à ces besoins gigantesques, l’épargne des Européens dort trop souvent sur des comptes bancaires et « n’est pas canalisée de manière efficace vers des investissements productifs », souligne M. Draghi.
Il plaide pour une véritable Union des marchés de capitaux, avec des réglementations et une supervision commune, dont le développement sera soutenu par la création de fonds de pension. De nouveaux produits d’épargne à l’échelle de l’UE orienteront les économies des Européens vers des placements à long terme offrant de meilleurs rendements tout en facilitant le financement et donc la croissance des entreprises innovantes.
– Des emprunts communs européens –
Les capitaux privés ne suffiront pas à répondre aux besoins d’investissements de l’Europe. Historiquement, le secteur public assure un cinquième des financements.
Or, certains projets stratégiques dans la recherche de pointe, les réseaux énergétiques et leurs interconnections transfrontalières ou encore l’armement, gagneraient à être appuyés par des financements communs européens.
Après le succès du plan de relance post-Covid de 800 milliards d’euros, l’UE devrait « continuer à émettre des instruments de dette communs pour financer des projets d’investissement communs visant à accroître la compétitivité et la sécurité de l’UE », souhaite M. Draghi.
Soutenue par la France, cette idée reste une ligne rouge pour de nombreux pays du nord de l’Europe tels que l’Allemagne ou les Pays-Bas, qui craignent d’être mis plus lourdement à contribution pour combler les retards des pays du sud.
– Des règles plus légères et plus homogènes –
Outre la finance, plusieurs secteurs comme les télécoms, l’énergie ou la défense restent morcelés par des réglementations nationales différentes qui pénalisent la compétitivité.
M. Draghi souhaite approfondir le marché unique. Son absence dans certains domaines empêche de nombreuses entreprises d’atteindre « une taille suffisante », déplore-t-il.
Il critique par ailleurs le « poids croissant » de la réglementation dans l’Union européenne qui handicape particulièrement les PME. L’UE « devrait procéder à une évaluation approfondie de l’impact de ses réglementations » avec l’objectif d’exempter les PME de certaines d’entre elles que seuls les grands groupes sont capables de respecter.
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