Quel avenir pour les forêts françaises, menacées par le changement climatique? L’organisation environnementale WWF plaide pour le choix d’un développement favorisant la variété des arbres et une exploitation plus équilibrée, une recette déjà mise en oeuvre en Haute-Marne, dans le nord-est de l’Hexagone.
Au milieu des années 1990, une énième coupe rase choque les riverains autour du village d’Auberive. « Un beau matin, les habitants ont ouvert leurs volets et il n’y avait plus de forêt », raconte Laurine Ollivier, responsable locale de l’Office national des forêts (ONF).
Les élus des 27 communes propriétaires de la forêt décident de changer de mode de gestion en privilégiant la diversité des essences et le maintien d’un état boisé permanent. L’exploitation forestière se poursuit mais avec des prélèvements plus ciblés au lieu des grandes coupes.
Le WWF paie désormais pour y encourager cette gestion plus durable, compensant le manque-à-gagner par rapport à un mode d’exploitation classique, avec un budget actuel de 1,3 million d’euros pour ce projet. Certains arbres peuvent pousser plus longtemps, d’autres sont spécifiquement conservés parce qu’ils accueillent de la biodiversité, par exemple grâce à leurs cavités.
Cela permet de protéger des espèces comme la cigogne noire, voire d’attirer de nouveaux habitants. La chevêchette d’Europe, plus petit rapace nocturne d’Europe, vient ainsi d’être repérée non loin, « une découverte majeure », salue Philippe Puydarrieux, directeur du Parc national de forêts, qui englobe le massif d’Auberive et ses environs.
– « Résilience » des forêts –
La diversité des arbres est aussi encouragée pour mieux supporter un réchauffement climatique qui pourrait atteindre +4°C d’ici la fin du siècle en France et tue déjà beaucoup d’arbres.
Le modèle d’aide financière apportée par le WWF – baptisé « paiements pour services écosystémiques » – n’est pas pensé pour être généralisé à l’échelle du pays mais illustre les préoccupations de l’ONG internationale. « Les forêts sont d’abord un réservoir de biodiversité et un puits de carbone dont il faut assurer la préservation et le renouvellement », avance Alexandra Palt, présidente du WWF France.
En 150 ans, les forêts de France métropolitaine ont vu leur surface doubler, passant de moins de 9 millions à 17,5 millions d’hectares, soit 32 % du territoire. Mais « quantité ne rime pas avec qualité », souligne le WWF dans un rapport publié récemment, pointant l’appauvrissement de la biodiversité et la chute de la capacité à absorber du CO2.
Cet effondrement du puits de carbone, sous l’effet des sécheresses successives et du développement d’insectes, menace d’ailleurs les objectifs climatiques du pays. Le Haut conseil pour le climat (HCC) juge « urgent » de mettre en place un « plan national de renouvellement forestier ».
Le gouvernement français vient justement de publier son troisième Plan national d’adaptation au changement climatique, avec un volet pour la « résilience » des forêts, encourageant notamment l’utilisation d’essences plus résistantes et diversifiées.
Le président Emmanuel Macron avait aussi lancé l’objectif d’un milliard d’arbres plantés en dix ans annoncé après les grands incendies de l’été 2022. Une politique « contre-productive si elle vise à remplacer des peuplements entiers par des plantations moins diversifiées que les forêts préexistantes », met en garde le WWF dans son rapport.
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