Le virage tape-à-l'oeil de Jaguar critiqué de toute part

Fini le vert anglais et le moteur à explosion, bienvenue au rose et à l’électrique: le vénérable constructeur britannique d’automobiles de luxe Jaguar a pris un virage à 180 degrés pour atteindre une clientèle plus riche, s’attirant des critiques parfois violentes.

En présentant lundi à Miami un rutilant concept car électrique d’un rose clinquant, en rupture franche avec ses fondamentaux traditionnels, la marque espérait surprendre.

Mission accomplie: le constructeur, propriété de l’Indien Tata Motors, fait de nouveau parler de lui. Et son repositionnement depuis mi-novembre vers un style opulent et coloré provoque un tapage inespéré –pas toujours pour le meilleur.

« Nous voulons être audacieux et dérangeants », a expliqué mardi le directeur général du constructeur, Rawdon Glover, interrogé par Sky News. « Plus de gens ont parlé de Jaguar au cours des deux dernières semaines que, mon Dieu, depuis bien longtemps. »

Outre la couleur, ce renouvellement critiqué passe aussi par un logo modernisé aux formes géométriques, ainsi qu’un premier clip publicitaire incluant des mannequins de tous âges et toutes origines, habillés de vêtements jaune, orange, rouge et rose, sans une seule automobile.

Les slogans: « créer l’exubérant », « supprimer l’ordinaire », « ne rien copier ».

– « Modèle Barbie » –

Commentaire ironique d’Elon Musk –propriétaire du concurrent Tesla– à la publicité publiée par Jaguar sur X: « Vous vendez des voitures ? »

« Je prédis que Jaguar va maintenant faire faillite. Et vous savez quoi ? Ils le méritent », avait déclaré sur le même réseau le chef du parti d’extrême droite Reform UK, Nigel Farage.

La Jaguar Type 00, le nouveau bolide rose, dont l’entreprise entend faire le symbole de son repositionnement radical, avec ses « formes audacieuses », ses « proportions exubérantes » et cette « silhouette spectaculaire », a fini par achever les défenseurs des valeurs traditionnelles de Jaguar.

Ce « modèle Barbie » constitue « un désastre pour l’une des marques les plus emblématiques de Grande-Bretagne », a commenté The Daily Telegraph dans un éditorial mardi.

Autre cible du journal conservateur: la campagne publicitaire, « une célébration woke de la diversité et de l’inclusion », considérée comme « l’une des pires opérations marketing de tous les temps ».

« Nous tenons absolument à un débat raisonné – s’il devient discriminatoire, je ne peux pas le tolérer », a répondu aux critiques Rawdon Glover, disant vouloir « emmener le plus grand nombre possible » des fans de la marque « dans ce voyage », mais aussi « séduire un nouveau public ».

– « Battage médiatique » –

Commercialement parlant, un repositionnement aussi drastique est risqué, surtout au moment où les marques cherchent plutôt à s’appuyer sur leurs fondamentaux et leur histoire.

Le boycott lancé par les conservateurs l’an passé de la bière Bud Light aux Etats-Unis après un partenariat avec une influenceuse transgenre n’en est que l’exemple le plus récent.

Mais avec cette stratégie, le constructeur anglais entend monter en gamme et concurrencer à partir de 2026 Bentley et Rolls Royce, avec une gamme de véhicules 100% électriques à plusieurs dizaines de milliers d’euros.

« Jaguar veut bousculer le marché et son bassin d’acheteurs, en visant des automobilistes plus aisés qui auraient pu par le passé opter pour Porsche ou Bentley », explique Danni Hewson, analyste chez AJ Bell.

« Jaguar a attiré les regards, et si elle parvient à persuader suffisamment de personnes d’adhérer au battage médiatique, lorsque le premier de ses nouveaux modèles sortira des chaînes de production, sa stratégie sera étudiée et potentiellement copiée dans les années à venir », explique Danni Hewson.

Le concept présenté lundi doit servir de base au nouveau modèle électrique de la marque, attendu en 2025.

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