Sous ses airs discrets et juvéniles, il cache un tempérament d’entrepreneur à poigne: John Elkann, 48 ans, l’héritier de la dynastie Agnelli, prend le volant de Stellantis pour éviter une sortie de route après la brusque éviction de son directeur général Carlos Tavares.
Dès le lendemain de cette annonce choc, le président de Stellantis s’est rendu aux Etats-Unis, son pays natal qui est la traditionnelle machine à cash du groupe, mais où les concessionnaires souffrent désormais de stocks excessifs de voitures invendues.
John Elkann, dont la holding familiale Exor est le principal actionnaire de Stellantis avec 14,2% du capital, devant la famille Peugeot (7,1%) et l’Etat français (6,1%), prend la tête d’un comité exécutif temporaire en attendant la nomination du successeur de M. Tavares.
« Pour le bien de l’entreprise, nous étions arrivés au point où nos routes devaient se séparer », explique John Elkann dans un message vidéo aux salariés du groupe, invoquant la décision « unanime » du conseil d’administration.
John Elkann n’a jamais joué les figurants: « il a toujours été un président exécutif et non honorifique, fortement impliqué dans la vie de Stellantis », témoigne un représentant des milieux industriels de Turin, berceau de Fiat avant sa fusion avec PSA en janvier 2021.
A l’époque patron du constructeur automobile italo-américain Fiat Chrysler, il avait claqué la porte à deux reprises avant de sceller un contrat de mariage avec le groupe français.
En mai 2019, John Elkann fausse compagnie à PSA pour courtiser le constructeur concurrent Renault, qu’il délaisse finalement face à la frilosité de l’Etat français. Puis, il coupe à nouveau court aux négociations avec PSA en août 2019 pour préserver les intérêts des actionnaires de Fiat.
D’apparence timide et peu disert, le petit-fils de Gianni Agnelli a toujours préféré l’ombre aux feux de la rampe, aux antipodes de son frère cadet Lapo connu pour ses frasques.
Cheveux bruns bouclés, longiligne, la voix posée, costume-cravate sobre, John Elkann a un profil international. Né à New York en 1976, il a grandi au Royaume-Uni et au Brésil, puis passé son bac à Paris, au lycée Victor Duruy.
– Goût du risque –
Mais c’est à Turin, fief de la famille, qu’il a fait ses études d’ingénieur à l’Ecole polytechnique, avant d’intégrer le groupe.
Après le décès soudain à l’été 2018 de Sergio Marchionne, l’emblématique patron de Fiat devenu son mentor, il s’est retrouvé seul pilote à bord.
« Il est réservé, mais très déterminé quand il s’agit d’imposer ses points de vue. Depuis qu’il est sorti de l’ombre de Sergio Marchionne, il s’est affirmé comme dirigeant d’entreprise. Il a réussi à faire fructifier l’héritage des Agnelli », commente à l’AFP Giuseppe Berta, ancien directeur des archives de Fiat.
Alors qu’il a seulement 21 ans, son flamboyant grand-père, Giovanni (dit Gianni) Agnelli, le désigne comme son successeur à la tête de Fiat.
Fils de l’écrivain et journaliste franco-italien Alain Elkann, et de Margherita Agnelli, fille de Gianni, le jeune homme n’était pourtant pas destiné à de telles responsabilités.
Mais la mort précoce en 1997 de son cousin Giovanni Alberto Agnelli, que son grand-père avait choisi comme son dauphin, bouleverse son destin.
Gianni fait entrer au conseil d’administration de Fiat le jeune « Jaki » (surnom de John), qu’il a initié au goût du risque et de l’effort, lors d’équipées sportives en mer ou en montagne.
– Vendeur en France –
« Jaki » part en stage ouvrier chez l’équipementier Magneti Marelli en Angleterre, sur les chaînes de montage des « Cinquecento » à Tychy en Pologne, et enfile même le costume de vendeur dans une succursale du nord de la France, à Lille.
La mort de Gianni Agnelli en 2003 et du frère de ce dernier, Umberto, un an plus tard, précipite sa carrière.
Luca Cordero di Montezemolo devient président du groupe et le nomme numéro 2, alors que Fiat est aux abois, multipliant les pertes.
En 2010, il prend la présidence du constructeur que M. Marchionne s’est employé à redresser puis à allier à Chrysler en 2009.
Il transforme l’entreprise symbole de l’Italie en multinationale, ce qui lui a valu le surnom de « Jaki le conquérant » dans la presse locale.
Son secret? « J’ai la chance d’avoir un caractère équilibré », dit ce père de trois enfants, amateur de foot et de voile.
A son corps défendant, il a cependant défrayé la chronique ces derniers temps en Italie, à la suite de querelles judiciaires sur l’héritage et une fraude fiscale présumée qui l’opposent à sa propre mère.
John Elkann gère le patrimoine des Agnelli en tant que PDG d’Exor, qui possède, entre autres fleurons, le club de football de la Juventus, Ferrari et plusieurs médias, dont The Economist et la Repubblica.
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