Autrefois rares avant l’âge de 50 ans, les maladies digestives telles que le cancer du côlon touchent de plus en plus de personnes jeunes et leurs causes, parfois génétiques mais pas seulement, sont loin d’être élucidées.
Hamza, 23 ans, a commencé à souffrir dès ses 8 ans d’une rectocolite hémorragique, une maladie inflammatoire chronique du gros intestin et du rectum, qui s’est muée en maladie de Crohn.
« J’avais des diarrhées sanglantes, des douleurs intenses au niveau du ventre, au point de ne plus pouvoir rester debout », dit-il à l’AFP. « Au lycée, j’ai passé 60% des années scolaires soit à l’hôpital, soit à la maison », confie-t-il. « Je ne me sentais pas comme les autres, j’étais gêné d’aller aux toilettes tout le temps. »
Depuis trois ans, grâce à un traitement efficace, le jeune homme a repris du poids, refait du sport, travaille à son compte.
Pour réduire ses symptômes, Hamza a adapté son régime alimentaire, réduisant le sucre et supprimant « les fritures, les boissons gazeuses, tout ce qui est transformé », auxquels il préfère « les légumes, le poisson, les pâtes et le riz complet ».
« On sait que dans l’alimentation, il y a des facteurs qui jouent sur le risque de cancer colorectal », rappelle professeur de nutrition Serge Hercberg, qui a longtemps présidé pour le ministère de la Santé français le Programme national nutrition santé.
« Il y a beaucoup » d’autres « hypothèses », note-t-il: exposition précoce à des facteurs de risque – inflammation chronique, carcinogènes… – alimentation ultra-transformée, microplastiques, pesticides…
Hamza est suivi à l’hôpital parisien Georges-Pompidou, membre d’un réseau de sept centres où travaillent des spécialistes de la prise en charge du risque de cancer colorectal et des cancers pour lesquels les patients ont des prédispositions héréditaires.
– « Suivis toute notre vie » –
« Quand on a des symptômes digestifs jeune – sang dans les selles, maux de ventre répétés, anémie, manque de fer -, il ne faut pas hésiter à consulter, ne pas tout mettre sur le compte des hémorroïdes », souligne le Pr Christophe Cellier, chef du service d’hépato-gastroentérologie à Pompidou.
« Mais alors qu’on peut quasiment guérir tous les cancers du côlon dépistés tôt, les gens n’osent pas venir ou sont mal à l’aise pour parler de leurs symptômes, ce qui fait que certains cancers sont diagnostiqués tardivement », explique-t-il.
Selon un récent sondage pour la Société nationale française de gastro-entérologie, plus d’un tiers (37%) des 25-34 ans ne consultent pas de professionnel de santé de peur de devoir faire des examens gênants comme la coloscopie, qui permet de détecter et retirer les polypes avant qu’ils ne se muent en tumeurs malignes.
Aujourd’hui « en France, comme aux Etats-Unis et d’autres pays, une petite frange de la population développe des cancers avant 50 ans – âge où débute le dépistage organisé du cancer colorectal. On ne sait pas trop pourquoi », rapporte le Pr Cellier.
Dans le monde, le taux de cancers a quasiment doublé (+80%) chez les moins de 40 ans entre 1990 et 2019, soulignait en 2023 une vaste étude du BMJ Oncology.
« Il y a encore beaucoup d’efforts à faire pour mieux (en) comprendre les causes », estimait récemment le Pr Fabrice Barlesi, directeur général de Gustave Roussy, un hôpital spécialisé pour les cancers près de Paris.
Les cancers colorectaux font partie des six cancers – avec ceux du cerveau, du rein, du sein – dont l’incidence a augmenté entre 2000 et 2020 en France parmi les adolescents et jeunes adultes, d’après une récente étude de Santé publique France.
Certains cancers, moins de 10% du total, sont liés à des prédispositions génétiques et sont ainsi « mieux dépistés, ce qui permet de mettre en place des programmes préventifs », avec des coloscopies dès l’âge de 20 ans, ce qui les empêche la survenue de cancers « dans 70% des cas », expose le Pr Cellier.
À 27 ans, Pierre, comme sa soeur, fait des examens tous les deux ans depuis près de dix ans, car un syndrome de Lynch, une maladie génétique, l’expose au risque d' »avoir un cancer de l’estomac à 50 ans », dit-il. « On va être suivis toute notre vie, mais ça nous évite de grosses complications. »
« Tous droits de reproduction et de représentation réservés. © 2025 Agence France-Presse. »
Réagissez à cet article
Vous avez déjà un compte ? Connectez-vous et retrouvez plus tard tous vos commentaires dans votre espace personnel.
Inscrivez-vous !
Vous n'avez pas encore de compte ?
CRÉER UN COMPTE