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En Afghanistan, les boissons énergisantes, remède du pauvre

Posté le par AFP

Policiers fatigués, bébés malnutris, travailleurs agricoles sur les genoux ou jeunesse en quête d’une boisson pour égayer ses journées, en Afghanistan où les autorités talibanes luttent contre la culture occidentale, de petites canettes font de la résistance.

« Les jeunes ici ont plus de problèmes et de souffrances qu’ailleurs », assène Milad Ghaznavi, qui réachalande régulièrement les rayons de son supermarché avec une quarantaine de marques de boissons énergisantes. « Donc ils consomment ce qui leur apporte du réconfort ».

Pour ce commerçant de 19 ans, qui se dit désormais sevré de ces canettes caféinées, vitaminées ou à l’extrait de taurine, « les boissons énergisantes sont devenues une sorte d’habitude et un besoin ».

Les premières bouteilles inventées au Japon en 1962 sont arrivées dans les paquetages des soldats américains qui ont envahi le pays en 2001. Et le retour au pouvoir des talibans 20 ans plus tard n’y a rien fait.

– Malnutrition, fatigue, migraine –

Les usines produisant ces boissons sont parmi les plus lucratives du pays, leurs panneaux publicitaires sont sûrement les seuls à dépasser en nombre ceux de la propagande talibane et, dans le pays où la faim est galopante, les calories qu’elles affichent font la différence.

Selon le Programme alimentaire mondial (PAM), la pauvreté force près de 90% des Afghans à choisir des aliments moins chers et moins à leur goût, un tiers d’entre eux sautent des repas et plus de la moitié ont réduit leurs rations.

C’est là que les boissons énergisantes tirent leur épingle du jeu: quand le manque de calories crée la fatigue, leur caféine permet de rester alerte et surtout, leur ingrédient principal après l’eau, le sucre, peut redonner de la vigueur à peu de frais.

Aujourd’hui, les bouteilles colorées sont partout, parfois plus accessibles que l’eau minérale, à 35 centimes d’euro l’unité — même si les poids lourds mondiaux Red Bull et Monster restent hors de portée de la majorité des bourses afghanes.

« Commando » propose des canettes couleur camouflage. Un panneau publicitaire vante « Attack » sur un rond-point de Kaboul autrefois visé par plusieurs attentats. « Predator » porte le même nom que les drones américains qui ont longtemps bombardé le pays.

Gulzar avale chaque jour quatre canettes de « Hit » en 14 heures de travail dans une station de bus de Kaboul.

« On transpire et quand on fatigue, on boit une canette », explique cet Afghan de 40 ans. « Si on ne boit pas, on est fatigués et on a la migraine », martèle-t-il, indifférent aux recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Avec 100 grammes de sucre par jour, le double de la quantité maximale préconisée par l’OMS, et avec l’équivalent en caféine de six expressos, il risque hypertension, palpitations, anxiété et insomnie, selon l’Autorité de l’alimentation américaine.

– « Les affaires sont bonnes » –

« Si on avait les moyens, on ferait autrement », dit-il, « mais en Afghanistan on est bien au-delà de la pauvreté ».

D’ailleurs, un tiers des 45 millions d’Afghans ne survit qu’avec du pain et du thé — une source moins onéreuse de caféine.

Et avec des bailleurs internationaux réticents à interagir avec le gouvernement taliban, le PAM a dû cesser d’aider dix millions d’Afghans l’an dernier.

De quoi assurer de beaux jours aux boissons énergisantes dont le marché mondial pèse 40 milliards de dollars en 2024, selon Future Market Insights.

A Hérat, centre industriel de l’ouest frontalier de l’Iran et du Turkménistan, Pamir Cola dit produire un million de canettes par jour — une goutte d’eau dans l’océan des 80 millions produites quotidiennement en Afghanistan, selon cette société.

Des chiffres impossibles à confirmer officiellement en Afghanistan où peu de données existent et où aucune réelle régulation sanitaire ne s’impose aux boissons énergisantes.

Sur la chaîne de Pamir Cola, des employés versent sans faiblir sucre et acide citrique dans les immenses cuves de machines achetées plusieurs millions de dollars pour garantir « les normes de l’Union européenne », assure Zahir Shah Bahaduri, codirecteur avec ses deux frères.

« Pour les Afghans qui font des métiers difficiles et se nourrissent mal, les boissons énergisantes sont le meilleur atout », assure-t-il. Donc, « les affaires sont bonnes et elles vont aller de mieux en mieux ».

Ahmad Gulab, lui non plus, n’est pas inquiet. Sur son étal en bord d’autoroute, ce vendeur de 36 ans a aligné les canettes colorées.

« C’est un rayon de bonheur dans la vie des gens », dit-il, affirmant en vendre par cartons parfois. « Ca fait s’envoler la fatigue ».

qw-jts/sbh/pt/lgo

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