Dans une Allemagne divisée sur l’aide militaire à l’Ukraine, le chef du gouvernement allemand a annoncé mercredi en pleine campagne électorale la transformation d’une usine ferroviaire Alstom en site de fabrication de chars militaires.
Offrant comme une bouée de sauvetage à l’industrie allemande en crise, ces efforts de conversion à la production d’armes à grande échelle, dans la foulée de l’invasion russe, ne se font pas sans débat après des décennies de pacifisme ayant forgé l’identité allemande depuis la Seconde guerre mondiale.
A moins de trois semaines des législatives du 23 février, le chancelier Olaf Scholz a fait un déplacement à Görlitz, dans l’ex-Allemagne de l’Est, pour l’annonce d’un accord permettant à KNDS, entreprise franco-allemande spécialisée dans les véhicules blindés, de reprendre l’usine du fabricant de trains Alstom vouée à la fermeture.
A la place de wagons ferroviaires, spécialité du site depuis 1849, l’usine va produire des composants pour le char de combat Leopard 2, utilisé par les troupes ukrainiennes, et pour d’autres blindés d’infanterie et de transport.
Avec plus de la moitié des 700 emplois préservés au sein de la nouvelle entité, une « longue et fière tradition industrielle » va se poursuivre dans un « secteur d’avenir », a fait valoir le dirigeant social-démocrate, en mauvaise posture dans les sondages.
– Ne pas devenir « une cible » –
Mais à l’extérieur du bâtiment où se déroulait la cérémonie, les slogans anti-guerre d’une poignée d’opposants à la transformation du site ont rappelé combien le réarmement de l’Allemagne, est loin de faire l’unanimité, notamment dans l’ex-RDA.
« Nous ne voulons pas de production de chars », explique à l’AFP Jens Hentschel-Thöricht, l’un des organisateurs de la manifestation qui a rassemblé une centaine de personnes
« Nous craignons de nous retrouver dans la cible d’éventuels missiles, parce que nous serions un site militaire important. Nous sommes contre cette militarisation et pour le maintien d’une production à usage civil dans cette usine », poursuit ce représentant du parti BSW, une nouvelle formation de « gauche conservatrice » qui milite pour l’arrêt de l’aide militaire à l’Ukraine.
Le BSW, tout comme le parti d’extrême droite AfD, est opposé à la poursuite des livraisons d’armes à Kiev et prône des négociations avec la Russie, renouant avec les discours « pacifistes » du bloc de l’Est au temps de l’ex-RDA.
Cette ligne séduit l’électorat de ces régions où les deux formations politiques réalisent leurs scores les plus élevés.
Aux élections européennes de juin, l’AfD a emporté 40% des suffrages dans la circonscription de Görlitz, ville la plus orientale d’Allemagne située à la frontière avec la Pologne- contre 16% au niveau national.
Le parti BSW a fait une percée spectaculaire aux élections régionales dans l’est de l’Allemagne, qui se sont tenues l’été dernier.
– « Défendre l’Allemagne » –
« Je sais qu’il y a des gens sur place qui attisent sciemment la peur de cette usine », a lancé mercredi Olaf Scholz devant le parterre de cadres et d’employés rassemblés devant un véhicule blindé disposé aux cotés d’une rame ferroviaire.
« Ce sont les mêmes personnes qui minimisent la brutale guerre d’agression de Poutine », a-t-il dénoncé, appelant « à ne pas prêter attention à cette agitation ».
« Nous voulons équiper notre Bundeswehr de manière à ce qu’elle puisse continuer à défendre l’Allemagne et notre alliance contre toutes les menaces », a fait valoir le chancelier.
Pour une industrie allemande en plein marasme, les affaires florissantes du secteur de l’armement font figure de bouée de sauvetage.
Selon la presse allemande, les groupes de défense lorgnent sur des usines Volkswagen où le constructeur automobile, en pleine restructuration, souhaite diminuer sa production.
En juin dernier, le plus gros fabricant allemand d’équipement militaire Rheinmetall, qui fabrique des chars et des munitions, avait annoncé vouloir reprendre et former 100 salariés d’une usine du fabricant de pneus Continental.
Mais en 2023, Rheinmetall avait renoncé à bâtir une usine de poudre dans la région de Saxe, à l’est de l’Allemagne, après les inquiétudes manifestées par la population locale.
Selon un sondage publiée cette semaine, 70% des Allemands résidant dans l’ouest de l’Allemagne sont favorables au maintien du volume de l’aide militaire à l’Ukraine, voire à son augmentation. Dans les Länder de l’Est, ce chiffre tombe à 53%.
smk/clr
« Tous droits de reproduction et de représentation réservés. © 2025 Agence France-Presse. »
Réagissez à cet article
Vous avez déjà un compte ? Connectez-vous et retrouvez plus tard tous vos commentaires dans votre espace personnel.
Inscrivez-vous !
Vous n'avez pas encore de compte ?
CRÉER UN COMPTE