« Il n’y a pas de réindustrialisation »: plusieurs centaines de salariés de la chimie et de l’industrie dans son ensemble se sont rassemblés mercredi à Paris devant le ministère de l’Economie pour apostropher le gouvernement sur la vague grandissante de plans sociaux.
« Nous sommes ici pour forcer le gouvernement et le patronat à sortir du déni et à regarder en face la situation: il n’y a pas de réindustrialisation », a déclaré devant les manifestants Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, redoutant un « tsunami de désindustrialisation ».
La veille, le chimiste Arkema a annoncé la suppression de 154 postes dans son usine de Jarrie, en Isère, conséquence selon le groupe des difficultés de son fournisseur de sel, Vencorex, dont près de 400 des 460 salariés de son site de production sont également menacés de perdre leur emploi.
Arkema, Vencorex, mais aussi Michelin, Auchan et des salariés de l’énergie, entre autres, sont venus de toute la France, dans des cars affrétés par la CGT, colorant du rouge de leurs drapeaux le parvis en face du ministère.
Alors que la compétitivité de la chimie française est régulièrement mise sur la sellette, face à la concurrence étrangère, notamment chinoise, Séverine Dejoux, élue CGT au CSE de Vencorex, a estimé que « les coûts ont bon dos », assurant que l’entreprise et l’industrie dans son ensemble, payent « le manque d’investissement » dans les outils de production et l’absence de stratégie industrielle du pays.
« A l’étranger, il n’y a pas de pays industriel qui n’ait pas de stratégie industrielle », a renchéri la secrétaire générale de la CGT, déclarant que « la Chine et les Etats-Unis en tête n’hésitent pas à nationaliser, à protéger leurs fleurons industriels, à mettre en place des plans d’investissements massifs ».
La Commission européenne doit présenter le 26 février son Pacte pour une industrie propre.
Le mot de « nationalisation » était sur toutes les lèvres pour Vencorex : « si vous fermez la plateforme, vous la fermez définitivement », a déclaré à l’AFP Christophe Ferrari, président (DVG) de la métropole de Grenoble et maire de Pont-de-Claix, où se trouve l’usine.
– Nationalisation –
Avant d’être reçu par le cabinet du ministre de l’Industrie, Marc Ferracci, il a indiqué demander au gouvernement une « nationalisation temporaire » de Vencorex, comme en 2018 pour les chantiers navals de Saint-Nazaire.
L’opération coûterait quelque 200 millions d’euros, pour ses défenseurs, selon lesquels il faudrait ajouter un zéro, en cas de fermeture, pour dépolluer et démanteler le site.
« Arkema profite de la situation de Vencorex pour supprimer des emplois », a estimé Emmanuel Grandjean, coordinateur CGT Arkema, qui évoque un « enjeu de souveraineté industrielle » pour la France, l’usine Arkema de Jarrie fournissant notamment RTE en fluides techniques pour ses transformateurs, ou Arianespace en carburant pour ses fusées.
Compte tenu du caractère central de Vencorex dans l’écosystème de la chimie, une chute de l’entreprise pourrait avoir « un effet domino » pour le secteur, a rappelé Serge Allègre, secrétaire fédéral de la CGT-Chimie, avec à la clé 5.000 emplois menacés en tout.
« Un pays sans industrie est un pays sans avenir », a déclaré à l’AFP Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, venu soutenir « des piliers de notre industrie ».
Pour Jean-Paul Barbier, élu syndical CGT et salarié du groupe Auchan à la Seyne-sur-mer, près de Toulon (Var), le gouvernement doit « demander des comptes » à l’entreprise sur son utilisation des aides publiques, qui ont davantage selon lui « servi à enrichir les actionnaires » qu’à créer de l’emploi.
En début de matinée, la secrétaire générale de la CGT avait tenté, en vain, de le faire elle-même, venant avec quelques salariés aux abords de l’Assemblée nationale où le directeur général du distributeur, Guillaume Darras, devait être auditionné.
La CGT estime à « plus de 300 », le nombre de plans de licenciements en cours en France, « menaçant quelque 200.000 emplois » de suppression.
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