L’addition pourrait se compter en dizaines de milliards de livres pour les banques du Royaume-Uni: la Cour suprême britannique juge début avril une affaire de ventes abusives sur certains crédits auto, susceptible d’ouvrir la voie à une énorme vague d’indemnisations.
Des millions de conducteurs britanniques pourraient être concernés, affirme l’association de consommateurs Which!, pour peu qu’ils aient acheté avant 2021 une voiture à crédit avec une « commission discrétionnaire », versée au concessionnaire sans que le client en ait été pleinement informé.
Cas emblématique, Marcus Johnson avait 27 ans en juillet 2017 lorsqu’il achète à crédit une Suzuki Swift à un concessionnaire de Cardiff, au Pays de Galles, via un emprunt de 6.500 livres (près de 7.800 euros).
Sans se rendre compte que le montant de l’emprunt comprend une commission de plus de 1.600 livres, rétrocédée par l’établissement de crédit au concessionnaire, considéré comme courtier dans l’opération.
Après une première décision défavorable, la Cour d’appel avait donné raison en octobre dernier à M. Johnson, exigeant du prêteur, le groupe sud-africain FirstRand Bank, le remboursement de la commission et des intérêts –faisant souffler un vent de panique sur le secteur.
La Cour suprême, plus haute juridiction britannique, examinera à partir du 1er avril son dossier ainsi que deux autres similaires: l’un contre le même prêteur sud-africain et le dernier contre la banque britannique Close Brothers.
Il s’agit de trois dossier dans lesquels « les demandeurs étaient des consommateurs financièrement peu avertis avec des revenus relativement faibles », indique la Cour suprême dans un résumé de l’affaire.
– 44 milliards de livres –
Si elle donne raison aux emprunteurs, leur décision s’imposera aux autres dossiers comparables, qui sont légion dans le pays. L’audience durera trois jours, puis il faudra plusieurs mois aux juges pour se prononcer.
Le gendarme britannique des marchés financiers (la FCA) avait interdit en 2021 ce type de « commissions discrétionnaires » dans lesquels les banques autorisaient en outre les vendeurs automobiles à ajuster le taux d’intérêt proposé aux clients: plus il était élevé, plus la rétribution était importante.
La FCA, qui a ouvert une enquête, envisage d’ordonner un programme d’indemnisation collective, qui pourrait se traduire par des compensations automatiques, donc sans passer par des plaintes individuelles. Mais elle attend elle aussi la décision de la Cour suprême avant de se décider.
Which! estime que les réparations pourraient coûter au secteur jusqu’à 16 milliards de livres, mais certains analystes pensent que la facture serait en réalité bien plus lourde: ceux d’HSBC ont ainsi évoqué la somme astronomique de 44 milliards de livres (53 milliards d’euros).
Cela en ferait une affaire d’une « échelle similaire à celle du scandale des Payment Protection Insurance (PPI) », des assurances-crédits trompeuses vendues à partir des années 1990, qui aurait coûté au final « entre 45 et 50 milliards de livres » aux banques du pays, explique à l’AFP Russ Mould, analyste chez AJ Bell.
– Les banques mettent de côté –
Les établissements bancaires britanniques ont ces derniers mois mis de côté des sommes considérables en prévision de leur exposition dans cette affaire, au premier rang desquelles Lloyds, groupe qui dispose du plus grand réseau d’agences bancaires dans le pays, avec presque 1,2 milliard de livres.
L’ampleur de cette affaire a poussé le gouvernement britannique à demander à la Cour suprême la possibilité de s’exprimer dans le dossier –une requête qui lui a été refusée.
« Nous respectons la décision de la Cour (…) et il convient désormais de laisser la procédure suivre son cours », a indiqué un porte-parole du ministère des Finances, sollicité par l’AFP.
L’inquiétude du gouvernement peut s’expliquer par le fait que les sommes monumentales en jeu « pourraient limiter la capacité et la volonté des banques à prêter et à fournir du crédit » au moment où le pays, en mal de croissance économique, en a le plus besoin, estime M. Mould.
Mais « même si la Cour suprême confirme le jugement de la Cour d’appel, elle pourrait décider de limiter les éventuels paiements d’indemnisation, ce qui pourrait bien représenter le meilleur scénario » pour les banques britanniques, selon l’analyste.
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