Pour lutter contre la pêche illégale, la Fondation de la mer propose une « stratégie Al Capone » qui vise à réparer « les trous dans les mailles du filet » d’une pêche mondiale durable, de la capture du poisson à l’assiette du consommateur.
Après deux ans de travail, cette association qui milite pour une gestion durable de l’océan, publie jeudi « 89 préconisations » pour lutter contre la pêche illégale, non déclarée et non réglementée (INN).
Plaidant notamment pour la mise en oeuvre d’une « diplomatie mondiale de la pêche », elle appelle la France, qui accueillera en juin la troisième conférence de l’ONU sur l’océan, à « s’impliquer ».
Il y a urgence, selon la Fondation, dont le rapport montre comment la sophistication des techniques de pêche a progressé en même temps que les ressources se raréfiaient dans les mers.
Aujourd’hui, « près de 38% des stocks mondiaux de poissons font l’objet d’une surpêche, alors qu’ils n’étaient que 10% en 1974 ». Or « plus de 3 milliards de personnes » dans le monde dépendent de la pêche pour se nourrir.
Aux « 80 millions de tonnes de poissons déclarées pêchées en mer » chaque année s’ajouteraient « jusqu’à 26 millions de tonnes pêchées illégalement » – selon une estimation de la FAO, l’agence de l’ONU qui évalue les stocks mondiaux.
A cela s’ajoutent des pertes estimées à une trentaine de millions de tonnes de poissons, notamment capturés par des dispositifs flottants ou filets perdus ou abandonnés par les pêcheurs, pirates ou pas. Au total, selon la Fondation, les captures illégales et fantômes représentent « 11 à 19% de la production mondiale de poisson ».
Cette pêche illégale génère « une surexploitation de l’océan », « détruit l’équilibre des écosystèmes marins », mais c’est aussi « un vol » qui menace un modèle d’économie durable, avec un préjudice évalué de « 10 à 23 milliards de dollars » par an, a expliqué Sabine Roux de Bézieux, présidente de la Fondation de la mer, lors d’une conférence de presse.
– Tracer les navires –
S’inspirant de la chute d’Al Capone, célèbre bandit de Chicago tombé pour fraude fiscale et non pour ses activités criminelles sous la Prohibition, la Fondation propose une « approche indirecte ».
Les fraudes sont vues comme autant de trous dans les filets de la pêche durable: à défaut d’attraper les milliers de fraudeurs en flagrant délit, l’association propose de « raccommoder les mailles du filet » en intervenant à chaque étape de la pêche: immatriculation du bateau, état sanitaire de l’équipage, contrôle de la débarque du poisson, géolocalisation des navires etc.
La traçabilité, « on sait que ça marche », a souligné l’océanographe Philippe Valette, membre du conseil scientifique de la Fondation. L’analyse de la position de navires, qui éteignaient par intermittence leurs systèmes de géolocalisation, a ainsi permis d’arraisonner des navires venus pêcher illégalement la légine – vendue autour de 600 euros le kilogramme – dans les eaux françaises d’Antarctique, a-t-il raconté.
Au-delà de la lutte contre « le crime organisé » de la pêche illégale, la Fondation préconise plus de transparence dans la gestion des licences de pêche, appelle à harmoniser le fonctionnement des zones de pêches dans le monde, à mieux associer les pêcheurs et informer le consommateur.
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