La cour d’appel de Paris a transmis mercredi à la Cour de cassation pour examen une question prioritaire de constitutionnalité dans le scandale de la pollution à la chlordécone aux Antilles, a-t-on appris auprès de plusieurs avocats.
Une source judiciaire a confirmé cette transmission.
Les avocats des parties civiles avaient soutenu le 22 octobre leurs QPC, l’une sur la responsabilité pénale de l’Etat, la seconde sur la définition de l’empoisonnement, à huis clos devant la chambre de l’instruction.
D’après plusieurs avocats, les magistrats ont refusé de transmettre la première mais accepté pour la seconde.
Dans le détail, la Cour de cassation devra dire si le crime d’empoisonnement nécessite la caractérisation d’une intention de son auteur d’intenter la vie à autrui, ce qui constitue une jurisprudence constante de la Cour de cassation depuis 1998 et l’affaire du sang contaminé.
D’après Me Lèguevaques, avocat de plusieurs personnes physiques et auteur de cette QPC, cette position de la Cour de cassation « dénature » la loi.
Il a salué « une victoire décisive », même si ce n’est qu' »une victoire d’étape, car le chemin reste encore long ».
La plus haute juridiction judiciaire dispose de trois mois pour éventuellement transmettre la QPC au Conseil constitutionnel, qui le cas échant disposerait à son tour de trois mois pour se prononcer.
Le 2 janvier 2023, des juges d’instruction du pôle santé publique de Paris avaient abandonné toutes les poursuites dans ce dossier ouvert en 2008, tout en reconnaissant un « scandale sanitaire ».
Les parties civiles ont contesté cette ordonnance de non-lieu.
Le 24 avril, la procureure générale de Paris, Marie-Suzanne Le Quéau, avait annoncé avoir demandé la confirmation de l’abandon des poursuites.
« Ne méconnaissant pas le drame sanitaire et humain que constitue la pollution à la chlordécone », le parquet général estimait « que les faits dont étaient saisis les magistrats instructeurs n’ont pu être caractérisés sur le plan pénal ou qu’ils se trouvent, pour certains d’entre eux, couverts par la prescription de l’action publique ».
La chlordécone, pesticide répandu dans les bananeraies pour lutter contre le charançon, a été interdite aux Etats-Unis dès 1975, mais est restée autorisée en France jusqu’en 1990, et même jusqu’en 1993 – quinze ans après les premières alertes de l’OMS – aux Antilles, où elle a bénéficié d’une dérogation.
Aux Antilles, le non-lieu prononcé avait provoqué beaucoup d’amertume.
Plus de 90% de la population adulte en Guadeloupe et Martinique est contaminée, selon Santé publique France, et les populations antillaises présentent un taux d’incidence du cancer de la prostate parmi les plus élevés au monde.
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