Il y a peu encore locomotive de l’Europe, l’économie allemande est aujourd’hui à la traîne, confrontée à des difficultés tant conjoncturelles que structurelles qui remettent profondément en cause son modèle de croissance.
La timide hausse du PIB (0,2%) au troisième trimestre, selon l’estimation publiée mercredi, déjoue les prévisions qui tablaient sur une entrée en récession mais n’inverse pas la tendance de la crise multiforme qui secoue le pays.
– Désindustrialisation –
Symbole du désarroi de l’industrie germanique : la déroute de Volkswagen qui se prépare à fermer des usines en Allemagne et à supprimer des milliers d’emplois.
La construction automobile est le plus gros secteur d’une industrie allemande qui pèse encore 20% du PIB national, bien plus que dans la plupart des pays européens.
Or, depuis six ans, cette industrie ne croît plus.
La production industrielle était l’an dernier environ 9% inférieure à son record de 2018. Une nouvelle baisse de 3% sur un an est attendue pour 2024 par la fédération du secteur (BDI).
« L’industrie allemande a perdu sa compétitivité en matière de prix », juge l’institut économique IW de Cologne dans une note.
L’envolée des prix de l’énergie, après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, a marqué une césure pour l’économie allemande qui profitait jusque là du gaz russe bon marché. Des secteurs-clés comme la sidérurgie ou la chimie ont été fortement pénalisés.
– Rivalité chinoise –
L’Allemagne reste fière de ses excédents commerciaux, incarnation de la puissance exportatrice qui a fait sa prospérité.
Mais son économie fortement tournée vers l’international – les exportations de biens et services ont compté pour près de la moitié du PIB l’an dernier – pâtit du ralentissement de la conjoncture mondiale et de la multiplication des mesures protectionnistes.
Catalyseur de toutes les craintes : la Chine, qui était devenue lors de la dernière décennie le premier marché international de nombreuses entreprises allemandes.
Non seulement la faiblesse actuelle de l’économie chinoise engendre une chute de la demande pour les biens « Made in Germany », mais la Chine entre désormais en compétition directe avec les producteurs allemands.
C’est le cas pour les fabricants de voitures électriques, d’acier, de produits chimiques, de machines-outils – spécialités de l’industrie allemande.
– Consommation chancelante –
L’envolée des prix en 2022 et 2023, dans la foulée de la guerre en Ukraine, a durement frappé le portefeuille des ménages et les projets d’investissement des entreprises.
« Même le championnat d’Europe de football [organisé en Allemagne] n’a pas réussi à stimuler la consommation privée », constate Geraldine Dany-Knedlik de l’institut économique DIW.
Les ménages économisent 11,1% de leur revenu disponible, un point de plus que la moyenne de la décennie 2010.
Même prudence du côté des entreprises : « Il n’y a qu’au moment de la crise financière du début des années 2000 que la proportion d’entreprises disposées à investir dans l’expansion des capacités était plus faible qu’aujourd’hui », notait cet été l’organisation patronale DIHK.
Légère éclaircie, dont témoigne le PIB du troisième trimestre : « Ce sont surtout les dépenses de consommations publiques et privées qui ont augmenté » et porté cette croissance, selon l’institut Destatis.
Mais la remontée de l’inflation à 2,0% en octobre sur un an pourrait refroidir les consommateurs et « montre que la pression inflationniste en Allemagne est toujours bien vivante », souligne Carsten Brzeski, analyste chez ING.
– Pénurie de main d’oeuvre –
Attirer de la main d’oeuvre de l’étranger « sera la question décisive pour la croissance de l’Allemagne et le maintien de la prospérité du pays », estime le ministre de l’économie et du climat Robert Habeck.
Car l’Allemagne fait face à une pénurie de main d’oeuvre qualifiée qui s’aggrave avec le vieillissement de sa population.
En 2024, cette pénurie représente 49 milliards d’euros de manque à gagner pour les entreprises allemandes selon l’IW.
Le gouvernement tend donc les bras à la main d’oeuvre spécialisée de l’étranger, par exemple du Kenya, de l’Ouzbékistan et des Philippines.
« Quiconque de qualifié et prêt à travailler chez nous en Allemagne est le bienvenu », lançait Olaf Scholz devant le patronat allemand en octobre.
Cette pénurie offre une certaine résilience au marché du travail, avec un taux de chômage contenu à 6,1%, selon les derniers chiffres d’octobre.
kas/smk/de
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