Vincent Farret d’Astiès est fondateur de Zephalto. Ingénieur aéronautique, il a créé l’entreprise en 2016. Quelques années de recherche et de développement plus tard, il fait voler son prototype de ballon. Objectif : atteindre les 25 km d’altitude d’ici 2024. Entretien.
Techniques de l’Ingénieur : Vous venez de tester votre nouveau prototype, où en êtes-vous dans la conquête de la stratosphère ?
Notre objectif est de lancer en 2024 des vols à 25 km d’altitude dans la stratosphère avec des passagers pour voir la courbure de la Terre à l’œil nu et être plongé dans le noir de l’espace. À cette altitude, on voit le Soleil et les étoiles dans l’obscurité. Le vol durera au minimum 6 heures, avec une montée et une descente, mais il sera aussi possible de passer une nuit en l’air. En parallèle, nous proposerons dès 2021 des vols pour des applications scientifiques ou des développements industriels. Nous pouvons par exemple faire subir des tests à des matériaux.
Comment se présente ce nouveau prototype ?
Notre prototype, baptisé Odyssée 8000, comprend un ballon porteur doté d’une enveloppe réutilisable, d’un régulateur de vitesse et d’une nacelle. La première nacelle est ouverte et se situe entre le ballon porteur et le régulateur de vitesse. Pour le prototype final avec vol pour passager, la nacelle sera placée sous les deux autres éléments. En attendant d’avoir une nacelle pressurisée qui puisse s’adapter aux conditions spatiales à 25 km, une nacelle fermée en carbone permettra de mener les tests jusqu’à 12 km.
Pour aller plus haut, c’est la taille de l’enveloppe du ballon qui joue. Tous les 5 km d’altitude, la densité de l’atmosphère est divisée par deux et il faut donc un volume de ballon deux fois plus grand. Au final, on aura un ballon qui fera 130 mètres de haut, contre 70 mètres aujourd’hui.
Actuellement, les ballons stratosphériques qui vont à 25 km se déchirent en l’air et la nacelle descend sous parachute. Grâce au régulateur d’altitude et l’enveloppe réutilisable que nous avons développés, nous pouvons redescendre avec le même ballon jusqu’au sol. Nous avons développé un matériau polymère multicouches qui est plus résistant, un peu plus épais, mais qui reste léger. Il résiste au froid sans être cassant à très haute altitude et doit pouvoir traverser une couche à -80°C en restant souple.
Quels sont les gaz utilisés ?
Le gaz utilisé dans le ballon porteur peut être de l’hélium ou de l’hydrogène. L’hélium est plus cher, l’hydrogène est plus léger et plus efficace, mais inflammable, ce qui demande des précautions dans la conception de l’enveloppe. Un autre avantage de l’hydrogène est qu’il peut être obtenu par électrolyse de l’eau. Nous devrions plutôt partir sur l’hydrogène mais le choix final dépendra des étapes de certification à venir.
Le ballon régulateur est rempli d’air. À volume fixe, lorsque l’air est comprimé, il gagne de la masse, ce qui fait perdre de l’altitude au ballon. Lorsque l’on décomprime l’air, le ballon relâche de l’air, ce qui lui fait perdre de la masse et ainsi gagner de l’altitude. Des panneaux solaires associés à des batteries en lithium permettent d’alimenter de façon autonome les compresseurs qui font varier le ballon en altitude.
Quels sont les tests et développements à venir ?
Cet automne, nous testerons le ballon à 8 km d’altitude. Il sera sans doute capable d’aller jusqu’à 12 km. L’année prochaine, nous aurons un ballon plus grand qui permettra d’aller jusqu’à 15 km pour les premières activités stratosphériques. Puis, nous irons dès que possible à 25 km, sans passager, avant de proposer des vols habités en 2024.
Nous préparons notre prochaine levée de fonds qui s’élève à 6 millions d’euros pour poursuivre les développements, avec des possibilités d’investissement dès 10 000 euros. Cette levée de fonds permettra notamment la construction de la nacelle passager, en partenariat avec des industriels de l’industrie aérospatiale. Le prix sera de plusieurs dizaines de milliers d’euros par passager, le montant sera annoncé au lancement des préventes.
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