La start-up WIND my ROOF a développé une éolienne innovante pour toitures qui, alliée à deux panneaux solaires, permet de produire de l’électricité hiver comme été.
Imaginée par deux étudiants de l’Ecole des Ponts ParisTech, la WindBox – un module combinant production d’électricité éolienne et solaire – développée par l’entreprise WIND my ROOF est conçue pour être installée sur le bord des toitures plates des bâtiments, et permet de produire de l’électricité, soit éolienne, soit solaire, soit les deux en même temps, quand les conditions le permettent.
Juliette Fournand, COO de WIND my ROOF, a expliqué aux Techniques de l’Ingénieur la genèse du projet et son développement, de la R et D à la commercialisation, depuis la création de la société en 2018.
Techniques de l’Ingénieur : Racontez-nous comment est né le concept de box mixant les technologies solaires et éoliennes aujourd’hui commercialisé par WIND my ROOF.
Juliette Fournand : WIND my ROOF est à la base un projet imaginé par deux étudiants de l’école des Ponts ParisTech en 2016, à partir d’une problématique technique : comment produire de l’électricité sur les toitures ? Ils ont, à cet effet développé une turbine éolienne fonctionnelle et adaptée aux toits plats des bâtiments, qui a remporté un prix d’innovation lors d’un concours organisé par Vinci Energies ; avec à la clé un an d’incubation dans l’incubateur mis en place par Vinci Energies, Leonard. C’est à partir de là que ces deux étudiants, Antoine Brichot et Yanis Maacha, se sont vraiment lancés dans l’entrepreneuriat.
S’en sont suivies trois années de recherche et développement, avec la problématique de produire de l’électricité à partir du vent.
Quels sont les facteurs clés pris en considération pour développer la partie éolienne de la WindBox ?
Le premier facteur à prendre en considération est l’emplacement sur la toiture et l’écoulement des vents. Si on considère un bâtiment classique, rectangulaire, les vents remontent le long des façades en accélérant, puis deviennent des turbulences qui sont inexploitables par n’importe quel type d’éolienne. Avant, les systèmes mis en place pour éviter ces turbulences étaient constitués d’éoliennes placées au milieu des toits, en hauteur pour éviter les turbulences, mais ces systèmes ne sont pas viables. En effet, dans ce cas, le pylône de support de l’éolienne se retrouve dans les turbulences, et les supports et lests à mettre en place pour renforcer la structure sont trop importants. Et les risques d’arrachement trop importants.
Les créateurs de WIND my ROOF ont opté pour le placement d’éoliennes en bordure de toiture, pour exploiter les vents qui remontent le long de la façade en accélérant, avant que ces derniers ne deviennent des turbulences. C’est ce qu’on appelle le corner flow : les vents sont plus forts en bordure que sur les autres endroits de la toiture, sans être pour autant trop hauts pour être exploités.
Et le second facteur ?
L’outil que nous avons mis en place ne ressemble pas du tout à une éolienne classique. Les essais qui ont été réalisés nous ont poussés à développer un modèle d’éolienne verticale, mais qui est disposée à l’horizontale, à l’image d’une turbine à eau. Cela permet d’avoir quatre points de fixation sur le toit du bâtiment, et d’éviter les effets de balancier et les phénomènes d’arrachement dus aux vents.
Pendant la phase de R et D, nous avons été incubés au sein de Green Tech Innovation, dans les locaux de l’école des Ponts, et nous avons pu faire des essais en soufflerie, des tests en conditions réelles, notamment sur un bâtiment situé sur le parvis de l’esplanade de La Défense. Nous avons également réalisé des essais à la soufflerie du CSTB à Nantes, avec des vents à 180 km/h, ce qui a validé la possibilité d’installer nos modules sur l’ensemble du territoire français continental sans risques.
Nous avons enfin pu y valider avec succès nos courbes de puissance, à savoir la puissance produite en fonction de la force du vent.
Où en êtes-vous en termes de commercialisation ?
Elle a débuté depuis deux ans. Nous commençons systématiquement par une phase d’étude, sur laquelle nous sommes accompagnés par un laboratoire de R et D d’EDF, CEREA, qui nous permet d’utiliser Code-Saturne, un outil de simulation des écoulements d’air à l’échelle d’un quartier, pour évaluer l’impact de l’architecture du quartier en question sur l’accélération ou la décélération des vents. Cela nous fournit les informations nécessaires pour être en mesure de trouver les endroits où il serait le plus judicieux de placer les WindBox. C’est la première phase de la commercialisation, nécessaire avant de passer à la commercialisation du produit en tant que tel.
Il y a un an, nous avons mis en place notre premier projet pilote sur le toit d’un immeuble à Rouen, avec la version actuelle des WindBox, et le mois dernier, nous avons réalisé une installation pour la SICAE de la Somme et du Cambresis, un gestionnaire de réseau électrique, à l’occasion d’un projet (Capitole) soutenu par le FEDER et la région Hauts-de-France où diverses briques technologiques innovantes sur le plan énergétique sont testées, dont la nôtre.
Nous avons d’autres projets en gestation dans le Sud de la France, en Belgique, au Luxembourg et en Allemagne.
La technologie de base des WindBox est la turbine éolienne. Pourquoi avoir ajouté des panneaux solaires sur le dispositif ?
Il s’agit là d’une idée techniquement simple à mettre en place. On fixe sur la WindBox deux panneaux solaires, et cela permet deux choses : d’abord la maximisation de l’énergie produite sur un même espace, en ajoutant très peu de poids sur la toiture. C’est important, car les toitures ne sont pas prévues pour supporter un trop grand poids. Aussi, il se trouve que les bords de toit sont les parties du toit les plus solides, donc c’est vraiment à cet endroit qu’il est pertinent d’ajouter des modules de production d’énergie sans fragiliser la structure.
La seconde raison est la saisonnalité des sources d’énergies solaires et éoliennes, qui est très souvent inverse en France. Ce mix éolien/solaire assure donc une production électrique stable tout au long de l’année.
Selon l’analyse que nous faisons sur un site géographique, nous allons conseiller soit du solaire, soit de l’éolien, soit les deux. Tout va dépendre de la situation du site et des résultats de l’analyse qui va être réalisée, l’objectif restant de mettre en place la solution la plus efficiente possible en termes de production énergétique.
L’installation des WindBox peut-elle se faire sur plusieurs bords d’un même toit ?
Les écoulements de vents, qui changent selon la zone géographique, rendent potentiellement réalisable l’installation des WindBox sur deux côtés du toit d’un bâtiment. Dans la plupart des cas cependant, nous exploitons le couloir de vent majoritaire.
Quelle est votre compétitivité aujourd’hui en termes de prix au Kwh ?
Aujourd’hui, nous sommes plus chers en termes de coût de production. Nous sommes entre 20 et 25 centimes pour un Kwh pour la WindBox en France, ce qui est supérieur à la moyenne des technologies de solaire sur toiture sur le territoire français, qui est de l’ordre de 13 centimes par Kwh. Nous sommes donc au-dessus, mais notre objectif est de s’aligner sur ces prix et de suivre leur baisse par la suite, grâce à l’industrialisation et à la R et D que nous poursuivons.
Propos recueillis Par Pierre Thouverez
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