Alors que Google, Microsoft et Facebook rivalisent de projets pour développer des “chatbots” et des assistants personnels toujours plus efficaces et un peu plus pro-actifs, à l’instar de Google Assistant, Cortana et “M”, et qu’Apple prépare sa riposte avec un Siri remanié, une autre IA pourrait révolutionner le secteur.
Conçue par les fondateurs de Siri, Adam Cheyer et Dag Kittlaus, Viv propose d’aller plus loin que les assistants “intelligents” des géants du Web, en répondant à des questions véritablement complexes, formulées en langage naturel – les IA de Google, Microsoft et Facebook ayant encore le même défaut : les réponses sont écrites à l’avance par les développeurs.
Viv, une IA “vraiment intelligente”
L’idée de Viv : interpréter les différentes conditions d’une question (posée vocalement), et composer à la volée des portions de code (de petits programmes informatiques), afin de répondre à des questions très élaborées, comportant un grand nombre de contraintes. Alors que Google Assistant peut répondre à des “questions à 2 niveaux” – en répondant à une première question puis en retenant la réponse pour répondre à une seconde -, Viv peut répondre aux 2 questions contenues en une seule. Exemple : “quelle est la population de la ville où est né Abraham Lincoln ?”, qui contient la question “où est né Abraham Lincoln” et “quelle est la population de cette ville”.
Viv décompose chaque phrase prononcée par l’utilisateur, et identifie ses élements (temporalité, point d’intérêt, nature de la requête). Il décode les instructions formulées en valeur relative, plutôt qu’en valeur absolue, en une dizaine de millisecondes. Autre exemple de question à la formulation complexe, qui nécessite à l’IA de franchir 44 étapes, mais décryptée par Viv avec succès : “Fera-t-il plus chaud que 25 degrés près du Golden Gate Bridge après 17 heures, après-demain?”
Viv, “vraiment intelligente”, récupère aussi une multitude d’informations contextuelles, notamment sur Internet. Il contourne les applications mobiles, ne s’adressant pas à elles, mais directement aux services tiers. Puis il crée des “bases de connaissance”, afin de proposer à l’utilisateur le service qui répond à ses besoins. Il va ainsi plus loin que les simples requêtes de type “recherches en ligne” de ses concurrents : il est possible d’envoyer de l’argent à un ami (“envoie 30 euros à Julien”) via la plate-forme Venmo (filiale de Paypal), ou encore de réserver un hôtel après quelques instructions vocales. Comme l’a présenté Dag Kittlaus lors du TechCrunch Disrupt NY, en mai 2016, l’IA permet de commander des fleurs, en proposant d’acheter celles que le destinataire (par exemple, votre mère) préfère, à partir d’une boutique partenaire, et en récupérant l’adresse finale dans le carnet d’adresses.
Autre exemple : si vous dites à Viv que vous avez trop bu, le service récupérera les données GPS du bar où vous vous trouvez, et contactera une compagnie de taxis pour vous. En bref, il comprendra le contexte de votre requête et répondra à vos questions sans réponses pré-programmées, mais en les bâtissant lui-même, en développant lui-même le programme lui permettant de trouver la réponse.
Si l’utilisateur demande “quel est le meilleur siège disponible sur le Virgin 351 de mercredi prochain ?”, Viv se rendra sur une plateforme de données de vol, Travelport (utilisé par Expedia), et trouvera 28 sièges disponibles. Sur SeatGuru.com, il ira ensuite se renseigner sur la répartition des sièges de chaque vol, puis ira regarder les préférences personnelles que l’utilisateur lui aura appris (par exemple, le fait de préférer être côté hublot), afin de lui proposer le meilleur vol et le meilleur siège.
La plateforme au centre de vos objets connectés
Grâce au deep learning (apprentissage profond), Viv s’améliore au fur et à mesure des interactions, afin de rendre ses réponses toujours plus pertinentes. Ses créateurs, Dag Kittlaus et Adam Cheyer, l’envisagent comme une plateforme, communiquant avec des services tiers et avec tout objet connecté. Plutôt que de rester un assistant personnel “enfermé” dans un monde restreint, Viv pourra être utilisé sur smartphone (iOS uniquement, pour l’instant), mais aussi sur des appareils domotiques (frigo, thermostat, réveil, etc.), ou avec une voiture intelligente.
C’est la grande différence entre Viv et ses concurrents (Siri, Google Assistant, Cortana) : l’assistant vocal a pour ambition d’infiltrer tous vos terminaux, sans se limiter à une marque ou à un type d’appareil. Crédo de Viv : “Intelligence becomes a utility”. L’IA se présente en outre comme une “interface” entre l’utilisateur et une multitude de services en ligne tiers. Sachant tout de vous, car vous lui confierez des informations relatives à vos “préférences” (et choisirez ce que vous voudrez que l’IA “oublie”), Viv permettra aux entreprises d’avoir un rapport direct et privilégié avec vous, au-delà de la pub ciblée actuellement pratiquée sur le Web.
Même si l’IA est encore en cours de peaufinage, ses fondateurs ayant besoin du concours des développeurs pour mettre en place des API, Kittlaus et Cheyer annoncent Viv comme la future “interface intelligente pour tout faire”, à utiliser pour “discuter” avec tout appareil sans avoir besoin d’installer d’applications supplémentaires. Des collaborations seraient envisagées avec des fabriquants, afin d’intégrer Viv à leurs appareils connectés, et de lancer l’IA d’ici la fin de l’année 2016. Des partenariats ont aussi été noués avec des services tiers, comme Uber ou Zocdoc, qui permet de prendre des rendez-vous avec un médecin – ou encore avec les sites de e-commerce WineStore et FindWine, ce qui vous permettra par exemple de demander à Viv d’acheter une bouteille de vin sur la route vous menant chez votre frère, afin d’accompagner un plat de lasagnes.
Le gros risque qui pèse sur Viv, c’est finalement la prédominance de certains cybermarchands parmi les futurs services phares qui communiqueront avec lui. Mark Gabel, “chercheur en chef” dans l’équipe de Viv, reconnait ainsi dans Esquire, que “ les sites existants comme OpenTable domineront probablement les réservations dans les restaurants, les sociétés comme Yelp auront une avance énorme sur les nouveaux arrivants”. Il explique que le défi futur sera de “préserver la personnalisation des marques”. Car, explique Gabel, “on n’a pas vraiment envie que ça devienne comme en Russie Soviétique : achetez-moi la voiture officielle de l’État. Réservez-moi la chambre d’hôtel officielle de l’État.”
Quoi qu’il en soit, Viv ringardisera-t-il Siri et Alexa, l’IA d’Amazon en devenant le “standard de l’industrie des objets connectés” ? Bien que “neutre” et non-affilié à un quelconque géant du Web, Viv, plateforme ouverte à tous, attire les convoitises : Marc Zuckerberg (Facebook) et Jack Dorsey (Twitter) ont déjà investi dans l’IA en tant qu’appuis financiers. Facebook et Google auraient déjà fait une offre d’achat, selon le Washington Post, mais pas question pour Kittlaus et Cheyer de vendre leur IA : leur objectif est de proposer leur service sous licence aux fabriquants et aux fournisseurs de services.
Par Fabien Soyez
Cet article se trouve dans le dossier :
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