L’éthique de l’ingénierie pose des questions liées aux activités de conception et de création d’objets, de procédures ou de programmes. Elle porte sur les intérêts, demandes et besoins des utilisateurs finaux, des riverains ou tout autre groupe impacté par ces activités ou des individus dont le travail peut être transformé par des décisions relevant de l’ingénierie.
Un extrait de « Éthique de l’ingénierie – Un champ émergent pour le développement professionnel » par Christelle DIDIER
Les thématiques abordées dans le champ de l’éthique de l’ingénierie sont variées. Depuis les années 2000, on distingue classiquement trois entrées dans le sujet. Un premier niveau, qualifié de « micro », comporte des travaux portant sur des décisions individuelles d’ingénieurs (et autres acteurs de l’ingénierie), sur des dilemmes moraux et la façon de les résoudre, sur la question de la décision et plus récemment sur les trajectoires professionnelles et les choix de carrière. Un second niveau dit « mezzo » se préoccupe de l’échelle organisationnelle des décisions, ainsi que de l’interface entre les individus et les organisations dans lesquelles ceux-ci exercent leur activité professionnelle. Enfin, un dernier niveau dit « macro » aborde la question de l’éthique de l’ingénierie du point de vue de la société.
Un grand impact implique de grandes responsabilités
Les ingénieurs ont collectivement une grande responsabilité car, au travers de l’ingénierie et sa capacité de transformation du monde, ce n’est pas seulement un individu qui peut être blessé ou tué, mais des dizaines, des centaines, voire des milliers de personnes. Ainsi, le principe de proportionnalité, selon lequel la responsabilité d’un individu ou d’un groupe est d’autant plus grande que ses impacts le sont, peut sans doute s’appliquer à des individus qui participent à l’activité puissante qu’est l’ingénierie. Mais il convient de garder à l’esprit certaines difficultés de l’exercice qui consiste à décliner à l’échelle d’un individu des responsabilités pensées en référence à l’activité qu’il exerce. S’il est important d’éviter le développement du sentiment d’impunité qui naît de la dilution des responsabilités dans les grandes organisations (où travaillent la majorité des ingénieurs), il convient tout autant d’éviter de faire peser sur un individu les conséquences de défaillances organisationnelles. L’espace semble étroit entre l’excès de responsabilisation des ingénieurs et le renoncement à identifier des responsabilités individuelles face à la complexité des organisations où ceux-ci exercent.
Si savoir ne suffit pas, les ingénieurs ont néanmoins une obligation morale. Ils doivent être parmi les mieux informés de leurs concitoyens des débats qui entourent les controverses publiques auxquelles ils prennent part, percevoir l’ampleur des conséquences des actes et choix en jeu, et exercer leur curiosité pour connaître la destination finale des objets, produits et services qu’ils contribuent à faire exister dans le monde. De plus, il importe qu’ils soient conscients que, par leur formation initiale et leur expérience professionnelle, ils ont acquis des compétences que d’autres n’ont pas et qu’ils occupent dans les organisations qui les emploient une position particulière. Leur responsabilité est donc engagée par la confiance que leur font les clients, les décideurs et leurs supérieurs hiérarchiques. À l’avenir, on peut souhaiter que les ingénieurs saisissent l’importance de s’interroger sur les aspects éthiques de la décision et de la situation et soient davantage conscients de l’utilité de créer des espaces de discussion éthique améliorant la capacité collective de faire face à de tels enjeux.
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Éthique de l’ingénierie – Un champ émergent pour le développement professionnel par Christelle DIDIER
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