D’un point de vue général, les deux régions du monde (à savoir États-Unis et Europe) ont commencé à les mettre en place de manières distinctes : au moyen d’un réseau sans fil pour l’Amérique du Nord et au moyen d’un transport par lignes à haute tension (PLC) en Europe. L’émergence de solutions telles que le réseau par fréquences radio (FR) applicable en Europe va, cependant, sans doute conduire à un alignement des initiatives européennes et nord-américaines quant aux Smart Grid.
Des problématiques locales font certes diverger l’Angleterre de la France et l’Italie de l’Allemagne, mais ici nous nous limiterons aux standardisations communes aux pays de l’UE et sur la façon dont ces caractéristiques divergent des implémentations de Smart Grid nord-américaines. Ces divergences peuvent être résumées en trois catégories : technologiques, opérationnelles et politiques.
D’un point de vue technologique, les normes et les organismes de réglementation dont relève le Smart Grid sont différents aux États-Unis et en Europe. Les normes les plus significatives sont les suivantes :
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Normes de comptage : En Amérique du Nord, les normes qui concernent le comptage sont gérées et légiférées par l’Institut National Américain des Standards (ANSI). Cet organisme détermine les facteurs de forme des compteurs électriques, les spécificités de métrologie et de précision du comptage, ainsi que la performance requise et les essais de sécurité des compteurs. Les normes européennes sont définies par la Commission Électrotechnique internationale (CEI) et la Directive sur les Instruments de Mesure (MID). Les différences de normes n’affectent pas l’architecture générale des Smart Grid, mais elles créent des exigences variées sur les deux produits en Europe et aux États-Unis.
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Normes de communications : La plupart des systèmes de Smart Grid nord-américains utilisent une combinaison d’adressage de TCP/IP et des communications avec les compteurs qui utilisent les communications C12.18 et C12.22 de l’ANSI. L’équivalent européen utilise aussi la combinaison TCP/IP, ce qui crée une standardisation d’architecture solide entre les solutions nord-américaines et européennes. Les compteurs européens, cependant, ont pour particularité d’utiliser des communications IEC, qui incluent la série de normes DLMS/COSEM, si bien que certaines parties du software et les éléments de communications de bas niveau sont différents aux États-Unis et en Europe.
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Normes sur l’émission radio : En Amérique du Nord, les réseaux sans fil entre les compteurs d’électricité l’ont très largement emporté. C’est en partie en raison des régulations flexibles autour de l’usage public, les bandes de communications radio non-autorisées étant régulées par la Commission Fédérale des Communications (FCC). Les régulations européennes sont quelque peu différentes : les communications dans la bande non-autorisée 2.4 GHz sont restreintes à un niveau d’électricité moins élevé et doivent utiliser la fréquence – ou la chaîne – en attendant que ces technologies soient déclarées valables par l’UE. Cela a retardé l’introduction de la technologie du réseau sans fil en Europe, et c’est l’une des raisons pour lesquelles le transport par lignes à haute tension et les communications cellulaires digitales y ont été plus populaires.
Sur le plan opérationnel, les usages européens se distinguent de façon très nette de leurs équivalents nord-américains. Dans bien des cas, les compteurs des sociétés européennes ne sont relevés qu’une seule fois par an, et le reste du temps par les consommateurs eux-mêmes. Ce qui fait défaut aux sociétés européennes quant à la précision des données de consommation d’énergie, est compensé par des coûts substantiellement moindres dédiés au relevé des compteurs. Lorsque de nombreux utilisateurs nord-américains considèrent le passage au relevé automatique des compteurs comme une réduction de taille dans le coût opérationnel, les européens refusent d’endosser un tel coût. De plus, l’introduction de l’air conditionné en Europe est à mille lieues d’être aussi massive qu’aux États-Unis. Cela a pour conséquence que la réduction de la consommation la plus élevée et celle des coûts de relevé de compteurs allègent considérablement les sociétés de l’UE par rapport à leurs homologues nord-américains. Les sociétés européennes ont par conséquent deux soucis opérationnels moindres, et les économies opérationnelles associées à l’implémentation d’un Smart Grid nord-américain souvent ne sont pas présentes dans l’UE.
Concernant les aspects politiques, le Smart Grid a trouvé jusqu’ici plus de soutien en Amérique du Nord qu’en Europe. Les avantages d’une politique solide en la matière ne doivent pas être sous-estimés. L’Ontario, au Canada, possède sans doute le Smart Grid le plus développé au monde avec plus d’un million de compteurs installés et lecteurs de donnés. Il ne serait pourtant pas dans une telle posture sans l’adoption en 2006 de la Loi sur la Responsabilité en matière de Conservation de l’Énergie, qui a rendu obligatoire l’installation de compteurs dans toutes les sociétés et dans tous les ménages pour 2010. Aux États-Unis, des initiatives comme la Loi sur l’Indépendance et la Sécurité Énergétiques de 2007, ont engendré des directives et des obligations quant à l’adoption du Smart Grid, que viennent désormais encore renforcer les mesures incitatives de la Loi sur la Relance et le Réinvestissement aux États-Unis. Côté politique, les États-Unis et le Canada vont continuer à développer le Smart Grid sans obligation nationale centralisée. La conséquence en est que certains états et provinces progressent plus rapidement que d’autres. L’UE, en revanche, dirige les choses de façon centralisée à travers les recommandations de la Plateforme Technologique des Smart Grid Européens pour des Réseaux Électriques d’Avenir. Elles consistent à installer des compteurs de Smart Grid dans 80 % des foyers d’ici 2020.
Chaque pays conservera son autonomie pour mettre cela en place, mais l’objectif à atteindre est clair. Le résultat, c’est que tous les pays de l’UE vont se montrer très offensifs à court terme dans le développement de programmes pilotes de Smart Grid, même si les implémentations à grande échelle ne sont pas pour tout de suite. L’Europe est en avance sur l’Amérique du Nord en matière de développement et d’utilisation de l’énergie renouvelable, et elle va en récolter tout le fruit lorsque cette énergie pourra être incorporée à de vastes réseaux de Smart Grid.
Alors que les avantages opérationnels pour les entreprises européennes ne sont pas aussi flagrants qu’en Amérique du Nord, les soucis liés au climat et à l’environnement vont néanmoins dans le sens du développement du Smart Grid européen. La technologie est le point sur lequel l’Amérique du nord et l’Europe vont commencer à converger, surtout avec des solutions par réseaux FR. Nous assistons d’ores et déjà à des développements de réseaux et Irlande et en Angleterre et considérons ces initiatives comme le début d’une standardisation technologique entre l’Amérique du Nord et l’Europe.
R.C.
Cet article se trouve dans le dossier :
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