http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/64075.htm
Alors qu’en Californie le déploiement des réseaux intelligents avance doucement mais sûrement, des innovations sont nécessaires pour atteindre les objectifs fixés de 33% d’énergie renouvelable en 2020 [1]. L’un des problèmes essentiels pour l’intégration des énergies renouvelables provient de l’intermittence de ces sources. Dans un réseau traditionnel, la distribution fonctionne sur un modèle centralisé qui – sachant que les systèmes de stockage sont très limités – doit faire correspondre exactement la production d’électricité à la demande des consommateurs. Lorsque la demande énergétique monte en flèche en été pendant les jours de grande chaleur les opérateurs du réseau doivent ajuster petit à petit leur production. Cependant ceci devient problématique lorsqu’on veut intégrer des énergies renouvelables qui fluctuent durant la journée. La production et la demande deviennent alors deux facteurs variables et les ajuster devient complexe.
Les microgrids un modèle d’optimisation pour le réseau électrique
John Kelly, président de la Galvin Electricity Initiative [2] avait introduit lors de la Conférence Gridweek 2009 les microgrids comme une solution pour maximiser les bénéfices des consommateurs et des compagnies. « Les microgrids représentent un nouveau modèle de pensée vis-à-vis du service de l’électricité. Ils offrent l’opportunité pour les opérateurs électriques de travailler avec les communautés lors de la conception et la planification de leur système de production, pour un bénéfice commun maximisé. De par leur nature localisée, ils supportent l’innovation et créent des opportunités engendrant de nouveaux partenariats ainsi qu’une participation plus active de la part des consommateurs. Les microgrids bénéficient en effet d’atouts significatifs sur le réseau traditionnel. La proximité de la production permet d’optimiser la distribution du courant et de réduire les pertes d’énergies liées au transport de l’électricité. Proches du consommateur, il leur est possible d’obtenir une meilleure efficacité grâce à une production directement ajustée au besoin de l’unité. L’efficacité peut être également améliorée grâce à la possibilité de mixer électricité et chaleur évitant la perte d’une grande quantité d’énergie sous forme de chaleur dans les réseaux traditionnels.
Les microgrids une alternative aux opérateurs électriques ?
La plupart des microgrids en projet ne seront pas capables de produire et de stocker suffisamment d’énergie pour pouvoir se passer d’un raccordement au réseau électrique. En fait les microgrids devront maintenir un lien constant et complexe avec les opérateurs, alternant achat et vente de l’électricité, connexion et déconnexion avec le réseau permettant d’ajuster la quantité d’électricité et de réduire le stress sur le réseau. Les opérateurs pourraient également les utiliser dans des programmes d’effacement énergétique [3] comme capacité virtuelle qu’il serait possible de mobiliser pendant les heures de pic de consommation.
Ils fournissent également aux opérateurs des zones de démonstrations reproduisant à petite échelle un grand nombre des problèmes liées au déploiement du smart grid et à l’intégration sur le réseau des énergies renouvelables. Les opérateurs ont, grâce à ces mini réseaux, l’opportunité de se rapprocher des universités ou des grandes compagnies afin d’étudier la façon la plus efficace pour eux de gérer une distribution dispersée. De plus la relative simplicité pour les microgrids d’intégrer les énergies renouvelables et les capacités de stockage les rend très attractifs aux yeux des opérateurs. Les infrastructures nécessaires aux réseaux intelligents sont très lourdes à mettre en place et peuvent prendre plusieurs années. Les microgrids deviennent une alternative plus simple à mettre en œuvre et pourraient donc jouer un rôle moteur dans le déploiement des réseaux intelligents.
La question cependant est de savoir quelles seront exactement les relations entre les opérateurs et les microgrids. Qui possédera les infrastructures de stockage, les moyens de production, le raccordement au réseau et qui devra payer ? D’autant plus que dans certains cas les microgrids seront utilisés pour obtenir une plus grande indépendance vis-à-vis des opérateurs. C’est le cas du comté de Marin (au nord de la baie de San Francisco), qui a créé le Marin Clean Energy [4] sous l’étiquette d’opérateur public pour acheter et vendre de l’électricité ainsi que fournir de l’énergie aux résidents à la place de l’opérateur local, PG&E.
De nombreux projets planifiés
Plusieurs universités ont déjà annoncé des projets de microgrids. Parmi elles il est bon de citer, l’université de Howard (Washington, DC). Elle vient de signer un contrat avec la compagnie Pareto Energy [5] pour construire un système de production d’énergie électrique et thermique pour le chauffage et le refroidissement du campus. Pareto prévoit d’investir entre 15 et 20 millions de dollars pour l’amélioration de la centrale de l’université, un projet qui devrait s’étendre sur 2 ans.
Dans le cadre du projet RESCO pour « Renewable Energy Secure Communities », l’université de San Diego s’est consacrée au déploiement d’un microgrid [6]. Reconnu comme l’un des plus avancés au monde, ce microgrid s’étend sur 1200 acres, fournit en électricité 450 bâtiments et couvre une population de 45.000 personnes. Le projet a été fondé par la California Energy Commission (CEC) dans le but de tester l’intégration de la production locale d’énergie, une partie provenant d’énergie renouvelable sur le campus. Ainsi le campus est équipé de deux turbines à gaz d’une puissance de 13.5 MW chacune, d’une turbine à vapeur d’une puissance de 3 MW et d’une capacité photovoltaïque de 1.2 MW, représentant 82% de la puissance annuelle consommée sur le campus. Le projet a reçu 2 millions de dollars dont une bourse de 1 million de dollars du CEC et un accord a été signé avec deux start ups proposant des solutions destinées au microgrid: EDSA [7] et Viridity Energy [8].
Un dernier projet qu’il est important de mentionner est celui lancé par l’U.S Army prévoyant de construire une installation solaire « microgrid » à l’US Army Garrison Fort Hunter Liggett en Californie près de Monterey [9]. La capacité prévue est de 1 MW et le coût est estimé entre 5 et 10 millions de dollars. Un mégawatt de capacité solaire représente typiquement les besoins annuels en électricité de 200 maisons même si la production peut être réduite près des côtes en raison du brouillard. Le microgrid garantira une sécurité énergétique au fort fournissant de l’électricité pendant les périodes de coupures de courant et réduira ses coûts en redistribuant de l’électricité sur le réseau principal pendant les heures de forte consommation. Avec ses propres moyens de stockage et ses propres infrastructures de distribution le réseau devient plus fiable, plus sûr et limite la dépendance énergétique du site, un atout essentiel dans le cadre d’une installation militaire.
Certaines barrières restent à surmonter pour un déploiement vaste et rapide
Cependant plusieurs défis doivent être relevés pour une adoption à grande échelle des microgrids, les plus importants étant d’ordre technique et technologique. La resynchronisation avec le réseau conventionnel est difficile à faire. Pour que l’électricité produite puisse être distribuée sur le réseau, les caractéristiques de tension, de fréquence et de puissance doivent être contrôlées. De même l’infrastructure du microgrid doit être compatible avec les standards existants pour que l’équilibre sur le réseau soit maintenu. Dépendant de la production d’énergie locale, le stockage est une composante essentielle des microgrids. Cependant les solutions existantes restent encore très chères et l’ajout de tels systèmes augmente les coûts de maintenance.
Par ailleurs, la réglementation en place dans de nombreux états reste peu favorable aux microgrids. On peut faire référence au « net metering »[10] utilisé en Californie ne permettant pas aux producteurs de revendre leur électricité. Des changements législatifs sont nécessaires pour inciter les investissements dans des systèmes locaux de distribution. Des changements pourraient voir le jour sous l’impulsion d’initiatives comme la Galvin Electricity Initiative. Fondée en 2005 par Robert W.Galvin, l’ancien président et chair de Motorola, elle a été créée dans le but de promouvoir un large déploiement des microgrids.
Pour en savoir plus
– [1] Site du CPUC : http://www.energy.ca.gov/renewables/index.html
– [2] Site officiel de la Galvin electricity initiative : http://www.galvinpower.org/
– [3] « Demand Response: how to create virtual electric capacity »: Frenchsciencesf – 23/03/10 http://redirectix.bulletins-electroniques.com/j8v53
– [4] Site officiel du Marin Clean Energy http://marincleanenergy.info/CCA.cfm
– [5] « Pareto Energy to build ‘microgrid’ for Howard University »: the Washington Post – 5/07/10 http://redirectix.bulletins-electroniques.com/c6CNo
– [6] « Microgrid to deploy at UC San Diego campus »:R&D – 13/04/10 – http://redirectix.bulletins-electroniques.com/9Yemd
– [7] Site officiel de l’EDSA: http://www.edsa.com/
– [8] Site officiel de Viridity Energy : http://viridityenergy.com/
– [9] « Army to Install Solar at California Fort » Sunplugger – 10/06/10 – http://redirectix.bulletins-electroniques.com/tusjX
– [10] « Towards real-time electricity pricing in California ? » : frenchsciencesf – 1/07/10 – http://frenchsciencesf.wordpress.com/smart%c2%a0grid/
Sources
– « Microgrids: Utility vs. Private Ownership »: Viridity Energy – 24/02/10
– « Opinion: Microgrids offer an alternative to PG&E for clean energy »: Mercury News – 20/06/10 – http://www.mercurynews.com/opinion/ci_15322614?nclick_check=1
– « How microgrids will change the way we get energy from A to B »: Green Beat 6/07/10 – http://bit.ly/dx7YzO
Rédacteur
Arnaud Souillé, deputy-stic.mst@consulfrance-sanfrancisco.org
Origine
BE Etats-Unis numéro 216 (16/07/2010) – Ambassade de France aux Etats-Unis / ADIT – http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/64075.htm
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