Décryptage

Vers un engagement du transport aérien pour le climat ?

Posté le 17 décembre 2015
par Matthieu Combe
dans Énergie

Alors que l'accord de la COP21 ne s'intéresse pas à l'aviation et au transport maritime, l'Organisation internationale de l'aviation civile se réunira en septembre 2016 à Montréal. Objectif : aboutir à un accord dans l'aérien pour lutter contre le réchauffement climatique.

Depuis le Protocole de Kyoto, l’aviation civile est exonérée de tout engagement dans la lutte contre le changement climatique. Pire, le kérosène propulsant les avions est exhonéré de toutes taxes. La COP21 a encore échoué à imposer des objectifs au secteur et renvoie la décision à la prochaine assemblée générale de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) de septembre 2016. Pourquoi ? Notamment, parce que le caractère international de cette activité rend très difficile le calcul d’objectifs de réduction des gaz à effet de serre par pays.

Il faut également préciser que l’aviation est un secteur régi par des règles particulières. Depuis 1947, le transport aérien international dépend de l’OACI, un organisme des nations unies associant 191 Etats. Ces derniers votent à la majorité toute modification du cadre réglementaire.

Quel rôle de l’aviation dans le changement climatique?

Le transport aérien contribuerait à 2,5 % des émissions mondiales de CO2. Mais ses émissions augmentent deux fois plus vite que ceux de la moyenne mondiale depuis 1980. Selon Airbus, 32 600 avions de plus de 100 places devraient voir le jour d’ici 20 ans. De son côté, Boeing table sur la fabrication totale de 38 050 avions d’ici 20 ans. Les deux géants estiment une progression annuelle du trafic aérien mondial entre 4,6 % et 4,9 %.

Problème : historiquement, le rendement énergétique des avions s’est amélioré de 1,5 % à 2 % par an. Le trafic augmente donc plus vite que les progrès techniques, ce qui implique une augmentation globale des émissions de gaz à effet de serre. Si le trafic croît de 5 % par an jusqu’en 2050, au rythme actuel de réduction de la consommation, les émissions mondiales de C02 liées aux vols internationaux pourraient passer de 448 millions de tonnes actuellement à 760 millions de tonnes en 2020 et plus de 1,5 milliards de tonnes en 2050.

L’objectif de la prochaine assemblée générale de l’OACI sera de faire adopter un accord mondial encadrant les émissions du secteur à partir de 2020. L’objectif devrait être d’obtenir un pic des émissions de CO2 en 2020 et de les abaisser de 50 % d’ici 2050 par rapport à 2005. Mais l’arrivée de nouveaux avions plus performants et de nouvelles motrisations pour les appareils plus anciens ne suffiront pas pour inverser la courbe des émissions. Seuls les biocarburants et l’arrivée massive d’avions électriques pourraient changer la donne. Mais l’avion électrique n’est pas encore une réalité pour les avions de ligne et les biocarburants ne devraient pas être généralisés dans l’aviation avant 2040…

Il semble donc très peu problable que le secteur atteigne ses objectifs de réduction sans mécanismes complémentaires. Plusieurs mécanismes sont donc à l’étude. L’Union européenne aimerait faire entrer l’aérien dans le marché des émissions de CO2, mais elle rencontre une opposition quasi mondiale. L’industrie aérienne considère qu’elle ne peut à la fois financer le progrès technique et entrer sur le marché des émissions de CO2. Vraisemblablement, il ne s’agira pas de taxer le transport aérien, mais plutôt de mettre en place un système mondial d’achats de réductions d’émissions de CO2 à d’autres secteurs ou des mesures de compensation, essentiellement des programmes de replantation d’arbres. Le kérosène pourrait également enfin être taxé… Mais les industriels se sont toujours farouchement opposés à une telle taxation.

Par Matthieu Combe, journaliste scientifique


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