“Smart cities, “smart technologies", "smart building", "smart-grids', "smartphone"... Le mot "smart" est partout. Que désigne-t-il réellement ? Quelle "intelligence" se cache derrière ces mots ? Quel projet de société prévoit-il ? Un Big Brother ou une indépendance tant convoitée ?
Dans un futur proche, l’automobile va devenir un espace avec beaucoup de nouveaux services. Les utilisateurs pourront, par exemple, retrouver l’ensemble de leur sphère privée : leur musique préférée, les outils téléchargés dans leur smartphone, etc.
En tant qu’utilisateur, « Je ne suis plus forcément propriétaire de ma voiture, ce n’est plus qu’un objet utilitaire. Néanmoins, une fois dedans, j’aurai besoin de la restitution de tous les services qui me sont personnels », précise Frédéric Bourcier, responsable des solutions Automobiles de Wind River.
D’ores et déjà, le véhicule d’autopartage Autolib’ est éco-conçu pour être smart, intégré dans un système d’information intelligent.
Par exemple, le système enregistre les radios et itinéraires préférés des utilisateurs et il les télécharge dans chaque nouvelle voiture réservée. Le véhicule reconnaît également l’utilisateur et « lui dit bonjour avec son nom et son prénom », rappelle fièrement Sylvain Geron, directeur associé du cabinet Polyconseil, responsable de la partie technique du projet Autolib’.
Les recherches sur le véhicule du futur s’axent aujourd’hui sur l’électrification et l’automatisation de la conduite. Dans quelques années, l’automatisation pourra permettre au conducteur de gagner du temps, en particulier en lui proposant de nouveaux services. Imaginez-vous dans un embouteillage : si vous pouviez accéder à vos mails ou regarder un film, comme vous pourriez le faire dans des transports en commun, l’embouteillage ne serait-il alors pas plus supportable ? D’autant plus si la conduite se fait automatiquement !
Les parkings où les voitures pourront se garer toutes seules devraient bientôt arriver sur le marché. Dès lors, les systèmes devront être extrêmement robustes. Quelle serait l’acceptabilité de tous ces systèmes automatiques en cas d’accident? Les industriels prennent toutes ces considérations en compte, ainsi que les évolutions sociologiques de la société. « La société est-elle psychologiquement prête ? », s’interrogent-ils. Ils choisissent de parier sur l’affirmative.
Une voiture autopartagée
« Certaines personnes ne vont plus utiliser la voiture comme un objet, mais plutôt l’approcher comme un élément d’un service de mobilité, c’est-à-dire que pour un voyage, ils vont considérer la voiture comme une part constituante des éléments du voyage qui peut être multimodal », estime Frédéric Bourcier.
Ces nouveaux véhicules demandent des infrastructures et des investissements lourds. Il n’y a donc pas de place pour les technologies jetables et l’obsolescence programmée. D’ailleurs, les professionnels du secteur mutualisent leurs efforts de recherche pour trouver ensemble des solutions, une nouvelle façon de travailler en quelque sorte !
Vers un monde smart ?
Jusqu’à peu, les ingénieurs ont cherché à obtenir de l’intelligence grâce à de gros ordinateurs. Pour Michel Puech, Maître de conférences en philosophie à l’université Paris-Sorbonne, elle passera finalement par la multiplicité de petits équipements grâce au « smart ». « L’intelligence est passée de l’high-tech au small-tech », analyse-t-il. C’est l’ère de l’ « empowerment » où le smart donne du potentiel, des capacités et de la puissance disséminés. Les nouveaux systèmes sont autonomes et reliés en réseau.
Aujourd’hui, les utilisateurs attendent des applications et des équipements qu’ils soient rapides, mobiles et avec une autonomie suffisante. Tout doit être personnalisé, échangeable sur un réseau collaboratif et partageable. Par exemple, l’application smart du futur pour la mobilité consistera à entrer l’adresse de destination dans un outil qui proposera « non seulement les meilleurs moyens d’y aller en soi, mais surtout par rapport à où je suis actuellement et par rapport à mes préférences », précise le philosophe. Il ne s’agira plus de conseils absolus et universels, mais de conseils dépendant de mon profil et de mes préférences : est-ce que je veux privilégier le trajet le moins cher possible, le plus rapide, avec le moins de marche à pied, etc. ?
Un Big Brother décentralisé ?
Ces projets posent des problèmes de transparence et interrogent sur l’utilisation des données. Les utilisateurs veulent être aidés mais pas espionnés. On le voit bien déjà aujourd’hui avec les questions soulevées par l’utilisation des données collectées via les réseaux sociaux : on ne sait pas quelles données sont enregistrées et ce qu’elles deviennent. D’autant plus que les acteurs ne sont pas toujours identifiables ! Qui nous dit, par exemple, que le programmeur d’une application ne privilégiera pas ses produits ? Pour s’imposer, « Le smart doit être neutre et ne privilégier aucun acteur », insiste Michel Puech.
Des dérives se font déjà sentir. Par exemple, un système d’autopartage japonais propose des réductions immédiates lorsque l’on passe devant un magasin dont on détient la carte de fidélité. Le smart donnera-t-il naissance à une liberté absolue ou à un Big Brother décentralisé qui aura accès à toutes nos données ? La réponse ne devrait pas tarder !
Par Matthieu Combe, journaliste scientifique
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