Quelle nouveauté a émergé dans le domaine des matériaux en ce mois de mars ? Des granules synthétiques issues des cicadelles, pour des revêtements très absorbants...
Les cicadelles sont des insectes suceurs de sève, faisant partie des hémiptères (cigales, pucerons). Les scientifiques savent depuis les années 1950 qu’elles sécrètent des molécules très particulières, nommées brochosomes. Celles-ci prennent la forme de sphéroïdes creux nanoscopiques, munis de trous connectés entre eux par une cavité centrale. Les cicadelles s’enduisent le corps de ces brochosomes plusieurs fois par jour, de façon à maintenir une couche épaisse et régulière. Mais quel rôle peut bien jouer cette fameuse couche ? Au fil des années, de nombreuses hypothèses ont émergé : protection contre les microbes, résistance à la dessiccation, transport de phéromones, anti-réflexion… Pour autant, difficile de vérifier qui a raison au vu de la précision requise pour reproduire ces minuscules granules. Tak-Sing Wong, co-auteur de la nouvelle étude étant parvenue à réaliser cet exploit, avait déjà tenté sa chance en 2017 sans parvenir à une reconstruction parfaite des brochosomes naturels. Il aura donc fallu attendre mars 2024 pour entendre parler, dans le journal PNAS, de brochosomes synthétiques aboutis. Une étape clé vers des applications bioinspirées des cicadelles et de leurs capacités étonnantes…
Cicadelles : une couche anti-reflet pour échapper aux prédateurs
Pour répliquer les sphéroïdes sécrétés par les cicadelles, le postdoctorant Lin Wang a choisi d’user de l’impression 3D biphotonique. Il est le premier auteur de la recherche parue en mars 2024, sur laquelle il a collaboré avec des scientifiques de l’université d’État de Pennsylvanie et de l’université Carnegie-Mellon (États-Unis). Cette technique d’impression 3D lui a permis d’obtenir des brochosomes synthétiques fidèles à leurs penchants naturels. Seule différence : leur taille. Alors que les granules visibles sur les cicadelles ont un diamètre variant entre 300 et 700 nanomètres, leurs versions synthétiques avoisinent les 20 micromètres – soit 20 000 nanomètres. Ce qui reste malgré tout une prouesse, leur taille étant près de cinq fois inférieure à celle d’un cheveu humain ! L’équipe de recherche a ensuite disposé ses brochosomes synthétiques jusqu’à recouvrir une surface d’environ 400*350 nanomètres. Tout était finalement en place pour tester leur réflectivité.
Les résultats ont fait pencher la balance en faveur du rôle anti-reflet des brochosomes. Les scientifiques ont ainsi noté que leur diamètre était calibré pour diffuser largement la lumière visible, et que leurs trous filtraient les faibles longueurs d’onde (ultraviolet). Une fois les deux effets associés, la réduction de la réflexion lumineuse d’une cicadelle peut atteindre 94 % ! Selon les chercheurs, les brochosomes auraient pu connaître une telle évolution géométrique pour permettre aux cicadelles d’échapper plus facilement à leurs prédateurs. En effet, oiseaux et autres lézards possèdent une vision particulièrement adaptée aux ultraviolets et à la lumière visible… Du côté des humains, la géométrie unique des brochosomes offre une nouvelle approche dans le domaine des manipulations optiques. À l’avenir, leur utilisation pourrait mener à de meilleurs systèmes de collecte d’énergie solaire, à des revêtements anti-reflet omnidirectionnels, voire même à du chiffrement optique. Sans oublier bien sûr la possibilité d’un camouflage multispectral, sorte de cape d’invisibilité bioinspirée…
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