Comment étudier, explorer voire s’installer sur Vénus ? Par les airs, évidemment... C’est la conclusion à laquelle sont arrivés tous les pays ayant des vues sur notre proche voisine. Un rapport de la Nasa a fait le point sur la faisabilité de plusieurs projets toujours dans les cartons et a ainsi relancé la machine à rêves.
Depuis cet été et la parution dans Space Science Reviews d’un article faisant le point sur les projets et les moyens possibles d’étudier, d’explorer voire de s’installer sur Vénus, notre proche voisine fait de nouveau rêver les astronautes qui sont en nous. On fait ressortir des cartons les projets de la Nasa sur le sujet, d’autant que celle-ci a allouée, en juin dernier, quelques crédits à l’entreprise Black Swift Technologies (BST) pour développer un véhicule aérien pour des observations atmosphériques sur Vénus. Cette entreprise a été choisie car elle a déjà à son actif des solutions aériennes d’observations de phénomènes violents sur Terre comme les tornades et ouragans, les grands incendies ou les volcans. Leurs plates-formes aériennes utilisent notamment le vol de gradient (dynamic soaring) pour s’alimenter en énergie. Le vol de gradient consiste à gagner de l’énergie en traversant de manière répétitive la limite entre deux masses d’air ayant des vitesses différentes. Il doit permettre d’alimenter le véhicule en consommant peu de carburant et sans faire appel à l’énergie solaire. Cependant, ne vous emballez pas, si tous les pays disposant d’un programme spatial s’intéresse à Vénus, aucun n’a pour l’instant de mission fermement programmée. Et les échéances sont au mieux pour 2030. Cela n’empêche pas les idées et les technologies de prendre forme, doucement mais sûrement.
Vénus, la grande traîtresse
Vénus est bien plus proche de la Terre que Mars. Le voyage n’est que de 5 mois (contre 9 pour Mars) et les fenêtres de départ pour le chemin le plus court sont plus nombreuses (1,6 an contre 2 pour Mars). Alors pourquoi l’a-t-on délaissée ? Pourquoi, après l’engouement des missions russes et américaines des années 1960 à 1985, les programmes vers Vénus se sont-ils éteints peu à peu ? En partie parce que les conditions sur Vénus sont terrifiantes. Les premières et rares sondes qui ont atteint la surface (Venera 7 en 1970, Venera 8 en 1972 puis Venera 9 et 10 en 1975) ont survécu moins d’une heure à l’énorme pression (92 fois celle de la Terre) et à l’infernale température (plus de 480°C) qui y règne. Les réussites suivantes, Venera 11 à 14, survivront plus longtemps mais ne pourront transmettre des données que pendant 2 heures avant que le signal ne soit perdu en raison de la rotation de la planète. Du coup, on a très vite envisagé d’étudier Vénus essentiellement par les airs. Ce qui n’est pas forcément non plus chose aisée. L’atmosphère de Vénus est en effet en état de super-rotation (elle accomplit le tour de la planète en 4 jours) avec de multiples couches de vents violents, balayant les airs à plus de 100m/s. Sans compter bien sûr, la composition de cette atmosphère, hyper riche en CO2 et en acide sulfurique. Alors, si de loin, Vénus ressemble à la Terre, pour un humain mieux vaut s’en tenir un peu éloigné tout de même.
Le paradis dans les nuages
Dans les projets les plus fous de l’URSS des années 1970 ou dans les romans de science-fiction, l’exploration et l’installation de l’homme sur Vénus via des villages dans les nuages ont fait l’objet de quelques recherches spéculatives tout autour du monde. Aujourd’hui, les projets sont tout de même moins ambitieux et consistent surtout à concevoir des véhicules aériens, dirigeables, ballons, planeurs, drones, automatisés embarquant des instruments scientifiques pour cartographier et étudier en finesse l’atmosphère, la surface et la structure de la planète. Voire pour y trouver de la vie atmosphérique. Eh oui, des scientifiques ont étudié les signatures spectrales de cette zone et pensent que les conditions sont réunies pour qu’une forme de vie ait pu s’y développer (voir cet article notamment paru dans Astrobiology . Ces chercheurs ont d’ailleurs approché les responsables russes de la (peut-être) future mission Venera-D pour ajouter des moyens alloués à des recherches d’exobiologie vénusienne. Tout le monde vise une navigation dans cette frange de l’atmosphère vénusienne où température, pression et radiations sont proches d’une zone tropicale terrestre, à quelques 50 km de la surface. Cette zone qui apparaît comme paradisiaque serait pour certains propices même à l’installation de villages dans les nuages comme l’envisageait par exemple l’ambitieux projet HAVOC de la Nasa dont les dirigeables ont fait rêver des milliers de youtubeurs.
Avancées technologiques suffisantes ?
Malgré tout, les recherches se poursuivent pour trouver des moyens efficaces de visiter Vénus. Plusieurs défis se posent. Celui de la durabilité des instruments par exemple, qui doivent être protégés des conditions extérieures ou pouvoir y résister. A ce titre, des chercheurs de la Nasa travaillent ainsi à la mise au point d’une puce électronique dédiée à un usage vénusien [voir cet article de AIP Advance qui décrit cette puce dont on a remplacé l’habituel silicium par du carbure de silicium). Les véhicules eux-mêmes doivent résister à la corrosion de l’acide sulfurique de cette atmosphère. Pour l’instant, c’est la technologie des ballons-sondes qui est la plus avancée, déjà testée en 1985 avec les missions soviétiques Vega 1 et Vega 2, pendant lesquelles le deuxième ballon a pu résister jusqu’à l’épuisement de ses batteries (à peu près deux jours). Le scientifique français à l’origine des ballons de Vega, Jacques Blamont, directeur scientifique et technique au CNES, a d’ailleurs proposé cette technologie aux Indiens dans le cadre de leur future mission d’un orbiteur vénusien (Shukrayaan-1).
Cette idée de ballon a aussi été étudiée par le JPL de la Nasa, notamment un ballon à fluide réversible (hélium / eau) capable de descendre jusqu’à la surface pour prendre des échantillons et remonter. Un prototype a été construit en zylon (un polymère à haute résistance mécanique, haute résistance à la chaleur et à faible porosité) auquel on ajoute un revêtement en or contre la corrosion. Le JPL a d’ailleurs aussi commencé à travailler sur la conception d’une nacelle capable d’encaisser ces conditions particulières. L’énergie est un des autres défis à relever pour rester durablement dans l’atmosphère de Vénus (d’où l’intérêt pour les solutions offertes par BSL évoquées précédemment) car si en altitude l’énergie solaire est utilisable (à la surface, il faudrait trouver des panneaux qui fonctionnent à très haute température) en raison de l’épaisseur de l’atmosphère et de sa rapide rotation, les calculs effectués pour le moment montrent que l’énergie solaire ne serait pas suffisante pour pallier le vent. Le véhicule serait alors dépendant des masses d’air qu’il traverse.
Mais ces défis techniques ne sont pas forcément plus difficiles à résoudre que ceux posés par Mars et les passionnés de Vénus espèrent aujourd’hui un rapprochement et une coopération internationale pour unifier les différents projets de missions américaines, européennes, russes, indiennes ou japonaises vers Vénus afin qu’elles prennent forme. En effet, pour le moment, elles sont régulièrement repoussées ou annulées pour des raisons budgétaires.
Sophie Hoguin
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