Inspiré par le venin du serpent mamba, le chercheur Nicolas Gilles développe au sein de sa start-up V4Cure les médicaments de demain qui permettront de soigner deux pathologies rénales graves.
Depuis 2009, le chercheur du CEA (Commissariat à l’énergie atomique) Nicolas Gilles étudie les toxines animales pour essayer de découvrir des candidats thérapeutiques. Parmi l’ensemble des substances identifiées, une sort du lot, la « mambaquarétine ». Présente dans le venin du mamba, un serpent d’Afrique subsaharienne dont la morsure est létale pour les humains, cette toxine a la particularité de bloquer la concentration urinaire dans le corps sans faire perdre de sel. Cette molécule, baptisée V4C-232 et synthétisée en laboratoire, permettrait de traiter deux maladies qui concernent 10 millions de personnes en occident : l’hyponatrémie et la polykystose rénale.
Dans l’hyponatrémie hypervolémique, le taux de sodium dans le corps est trop faible. Les sels sont alors trop dilués dans le sang à cause de l’augmentation du volume sanguin circulant. Les symptômes impliquent principalement un dysfonctionnement du système nerveux central pouvant aller jusqu’à des crises d’épilepsie, au coma, ou même la mort. La polykystose rénale, quant à elle, est une maladie génétique rare et incurable. Des kystes se forment au niveau des reins et détruisent leur fonctionnement, qui finissent par devoir être greffés.
Mais comment fonctionnerait cette substance sur ces deux maladies ? La toxine bloque de façon particulièrement sélective les récepteurs au niveau des reins responsables de l’homéostasie aqueuse dans le corps. Quand l’organisme a besoin d’eau, pendant un effort par exemple, il concentre les urines pour en tirer un maximum de liquide. C’est ce processus qui est stoppé par la molécule synthétisée par Nicolas Gilles. Dans le cas de l’hyponatrémie, en bloquant le récepteur, le patient peut éliminer de l’eau via l’urine, sans perdre de sel, et ainsi retrouver un taux de sodium normal. Pour la polykystose rénale, la V4C-232 freine la progression de la maladie et retarde donc la greffe.
La création de la start-up, une grande aventure
Après avoir découvert cette molécule au grand potentiel, Nicolas Gilles conduit des tests en pharmacologie moléculaire et in vivo sur des rongeurs pour valider l’activité biologique de cette toxine. Il démontre ainsi l’efficacité de cette substance pour traiter les pathologies rénales. Il l’améliore ensuite pour lui conférer plus d’activité. Suite à ses travaux, il dépose un brevet et décide d’aller plus loin dans le développement de ce candidat-médicament en créant une start-up.
Dans un premier temps, le chercheur souhaitait trouver une industrie pharmaceutique en mesure de reprendre son principe actif afin de le développer. Finalement, il travaille pendant près d’un an et demi avec une entreprise lyonnaise. Malheureusement, cette dernière quitte le projet, ce qui motive Nicolas Gilles à monter sa propre start-up. Mais pour cela, il a besoin de l’aide d’une CEO qui puisse prendre en charge la montée en puissance de la start-up. Il rencontre alors Sonia Escaich, experte en R&D pharmaceutique et en création de biotechnologies, en 2022. Pendant les 18 mois qui suivent, ils travaillent ensemble afin de consolider le business plan, la stratégie, faire des présentations pour les business angels. Grâce au soutien du CEA via le programme Magellan, ils réalisent une étude de marché et des conditions de compétition, afin d’être certains que leur candidat médicament ait une place sur le marché. Après tant d’efforts, la start-up, baptisée V4Cure, est créée en mars 2023. Nabil Gharios, un spécialiste de la finance et qui gère des fonds d’investissement dans les biotechs, vient consolider l’équipe.
En 2022, V4Cure avait été lauréate du grand prix du jury de i-Lab, bénéficiant d’une subvention à l’innovation. En février 2023, plusieurs business angels la financent à hauteur de 500 000 euros. Maintenant que la molécule est finalisée et optimisée, cet argent va permettre de travailler sur la formulation du candidat médicament, c’est-à-dire la manière dont il va être administré. En novembre prochain, la start-up démarrera une nouvelle levée de fonds pour une série A. Les fondateurs de l’entreprise espèrent commencer les essais de phase I en 2026 et une phase II en 2027. Ces étapes terminées, la start-up sera vendue à une grande entreprise pharmaceutique qui se chargera d’effectuer les phases III et de le mettre sur le marché pour 2032.
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