Nous roulions dans une rue, j’examinai anxieusement les policiers et les agents d’entretien : c’étaient des robots. Un épicier se retourna avec curiosité : c’était un robot. Je tentai de distinguer les chauffeurs des voitures qui nous dépassaient : elles n’en avaient pas. Face aux clients, à la banque, au restaurant, au salon de coiffure, c’étaient des robots, tous, chatbots et androïdes, à roulettes ou sur des jambes…
Cette scène imaginaire, inspirée du roman de Pierre Boulle La planète des singes, présage-t-elle du futur qui nous attend ? Depuis quelques années, des chiffres tapageurs font les titres de la presse au sujet de l’automatisation du travail, susceptible d’être effectué par des machines ou des logiciels. Selon certaines études, cela concernerait près d’un emploi sur deux dans les dix ou vingt prochaines années ! Après le plombier polonais, le (ro)bot autonome voleur d’emploi s’invite dans les débats…
Combien d’entre nous seront-ils concernés ?
« Ces études se sont notamment basées sur la créativité et la dextérité manuelle requises par un emploi pour déterminer s’il est automatisable ou non », commente Gregory Verdugo, chercheur au Centre d’économie de la Sorbonne. Plus fine, une étude de l’OCDE distingue les différentes tâches d’un même emploi et tient compte du degré d’interaction avec les clients ou les collègues, une capacité gourmande en adaptabilité et, pour l’heure, non automatisable à 100 %. Résultat : « seulement » un emploi sur dix serait menacé par la prochaine « robolution » dans les pays les plus industrialisés.
« Jusqu’à présent, ce sont surtout les emplois non qualifiés qui ont été pourvus ou modifiés par des machines, dans les usines principalement. Aujourd’hui, c’est le caractère routinier ou non d’une activité qui est pris en compte, le fait de suivre une suite d’actions selon un protocole strict », analyse Gilles Saint-Paul, chercheur au sein de l’unité Paris-Jourdan Sciences Économiques. Et routinier ne rime pas forcément avec peu qualifié. Jardiniers et plombiers tirent ainsi leur épingle du jeu, en partie grâce à la souplesse de leurs gestes et à leur facilité de déplacement, bien loin de celles des robots. Tandis que les cols blancs ont de quoi trembler sérieusement, à commencer par les comptables jugés à l’unanimité « très automatisables ».
Selon le New York Times, de nombreuses banques américaines développent des « robo-advisors », logiciels qui gèrent le patrimoine et font fructifier l’argent de leurs clients. Au Japon, Watson, la célèbre intelligence artificielle d’IBM, remplace trente-quatre employés d’une compagnie d’assurance-vie, soit un quart des effectifs. Et on teste des algorithmes pour conseiller juges et avocats à partir de décennies de jurisprudence ou pour distinguer entre mille une tumeur maligne. Chaque jour, ou presque, de nouvelles prouesses émaillent la rubrique high-tech des webzines, laissant perplexes les jeunes cadres dynamiques.
Source: CNRS
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