Décryptage

Usages de l’informatique quantique : beaucoup de bruit pour l’instant !

Posté le 18 juin 2018
par Philippe RICHARD
dans Informatique et Numérique

Sciences de la vie, développement de nouveaux matériaux, cryptographie, intelligence artificielle, prévision météo... Les applications de l’informatique quantique semblent infinies. Mais croire qu’elle sera plus performante que l’informatique classique pour résoudre tous les problèmes est une erreur...

Les scientifiques du laboratoire national d’Oak Ridge du ministère de l’Énergie américain sont les premiers à simuler avec succès un noyau atomique à l’aide d’un ordinateur quantique. Les résultats, publiés dans Physical Review Letters, ont démontré la capacité des systèmes quantiques à calculer les problèmes de physique nucléaire.

Le 7 juin dernier, pour la première fois, des scientifiques de Volkswagen ont réussi à simuler des molécules d’intérêt industriel (lithium-hydrogène, carbone) à l’aide d’un ordinateur quantique. À long terme, ils ambitionnent de simuler la structure chimique d’une batterie de véhicule électrique complète sur un ordinateur quantique. Leurs travaux de recherche sur l’informatique quantique ont été présentés lors du salon CEBIT (Hanovre, 12-15 juin).

L’informatique quantique, c’est fantastique ! Comme pour l’IA et la Blockchain, les ordinateurs quantiques font régulièrement la Une des médias. Principale raison de ce buzzword mondial : « l’informatique quantique sert à dépasser les limites des processeurs traditionnels pour des applications spécifiques d’optimisation et de simulation dont la complexité croit de manière exponentielle avec la taille du problème », explique le consultant Olivier Ezratty sur son blog. Les bits ne pouvant prendre qu’un état à la fois, il est souvent nécessaire d’itérer sur de nombreuses valeurs pour réaliser un calcul. Au contraire, les calculs réalisés avec des qubits (pour quantum binary digit) opèrent sur toutes les valeurs en même temps.

Quantique sur le web

Alors que la loi de Moore présenterait des signes d’essoufflement, l’informatique quantique permettrait de disposer de machines dotées d’une puissance de calcul sans commune mesure pour étudier plusieurs variables à la fois. Tous les géants de l’IT (dont Google, IBM et Intel, mais aussi Alibaba et Atos) ont développé de tels ordinateurs ou ont créé un laboratoire spécifique. Il est même possible de tester en ligne (sur abonnement) l’ordinateur quantique IBM Q Experience ou celui de Google (Volkswagen a d’ailleurs signé un partenariat avec ce dernier).

Les applications semblent très variées, mais les performances de ces ordinateurs pourraient très utiles dans la construction de modèles en physique et en chimie, la modélisation de nouveaux matériaux ou le machine learning. En 2015, une étude de chercheurs de l’Université de sciences et technologie de Chine, indiquait que l’usage de l’informatique quantique pourrait considérablement accélérer la recherche en apprentissage machine.

Enfin, les capacités des ordinateurs quantiques à naviguer parmi de larges bases de données non structurées permettraient d’optimiser les usages des transports dans une smart city.

Sensible au bruit

Mais nous n’en sommes pas encore là. Différents obstacles devront être levés. Premièrement, un ordinateur quantique doit notamment être maintenu à une température extrêmement froide, proche du zéro absolu, pour conserver sa stabilité.

Deuxièmement, ces systèmes sont sensibles au bruit inhérent à la puce. Cela génère des erreurs dans l’évolution des qubits pendant les calculs quantiques. Enfin, pour obtenir des résultats ayant des applications pratiques, il est nécessaire de disposer d’un grand nombre de qubits. Par exemple, pour factoriser de grands nombres, il faut disposer d’au moins autant de qubits qu’il y a de bits dans ce nombre.

« Nous n’atteindrons pas la suprématie quantique du jour au lendemain, et nous n’y parviendrons pas dans tous les domaines », a déclaré Brian Hopkins. Selon le vice-président de Forrester, l’informatique quantique n’en est qu’aux premières étapes de sa commercialisation, une étape qui se poursuivra jusqu’en 2025-2030.

Philippe Richard

 


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