Ces travaux ont été réalisés dans le cadre du projet européen SUN-to-LIQUID (H2020 n°654408), dont l’objectif est d’effectuer la mise à l’échelle du processus de production de combustible solaire. Ils marquent un tournant dans la production de kérosène synthétique « propre », notamment pour l’aviation.
Rendre le secteur de l’aviation plus propre : un défi de taille
On estime que le secteur de l’aviation est responsable d’environ 5 % des émissions anthropiques mondiales de gaz à effet de serre, notamment en raison du CO2 issu de la combustion du kérosène. Par ailleurs, le réchauffement serait également aggravé par le fort pouvoir radiatif des traînées de condensation.
Au-delà de la question du réchauffement climatique, le trafic aérien est également responsable d’une importante pollution de l’air aux particules fines et au NOx (oxydes d’azote). Malheureusement, les mesures actuelles visant à réduire les émissions de CO2 (amélioration de l’efficacité énergétique, agrocarburants, etc.) provoquent une augmentation des émissions de NOx, un effet pervers qui pousse certains chercheurs à préconiser de faire l’inverse, pour des raisons de santé publique !
Si elle ne permet pas d’éliminer le problème de la pollution de l’air ou de se passer des traînées de condensation, l’utilisation de kérosène solaire a au moins le mérite de réduire l’impact sur le réchauffement climatique en se rapprochant d’une certaine neutralité carbone.
Dans un communiqué de presse, Aldo Steinfeld, professeur à l’ETH Zurich, explique : « Grâce à notre technologie solaire, nous avons montré que nous pouvions produire du kérosène synthétique à partir d’eau et de CO2 au lieu de le tirer des combustibles fossiles. La quantité de CO2 émise lors de la combustion du kérosène dans un moteur à réaction est égale à celle consommée lors de sa production dans l’installation solaire. »
Une usine pilote installée en Espagne
C’est en 2017 qu’a commencé la construction de l’usine pilote permettant de démontrer la faisabilité industrielle du procédé. Celle-ci est composée de 169 panneaux réfléchissants (il ne s’agit donc pas de panneaux solaires !) qui redirigent les rayons solaires vers un dispositif appelé réacteur solaire, situé au sommet d’une tour.
Le processus complet est décrit dans un papier publié dans Joule. L’énergie solaire collectée entraîne une succession de réactions thermochimiques de type redox rendues possibles par la présence d’une structure poreuse en oxyde de cérium. Cet oxyde de cérium (qui n’est pas consommé) permet ainsi la conversion de l’eau et du CO2 en gaz de synthèse (syngas) qui est envoyé dans un convertisseur gaz-liquide pour être transformé en carburant liquide.
Un carburant compatible avec les infrastructures aéronautiques existantes
M. Steinfeld, auteur correspondant de l’étude, précise que « cette usine de carburant à tour solaire a été exploitée avec une configuration adaptée à une mise en œuvre industrielle, posant ainsi un jalon technologique vers la production de carburants d’aviation durables. »
Pour le moment, les rendements ne sont pas encore optimisés, loin de là, le rendement observé sur une moyenne de 9 jours de fonctionnement ne dépassant pas 4 %. Les chercheurs travaillent maintenant sur l’optimisation de la structure en oxyde de cérium et développent des méthodes de récupération de la chaleur libérée pendant les cycles d’oxydoréduction.
Crédit photo de Une IMDEA Energy
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