Depuis des décennies, le bois de chauffage ou celui destiné au secteur de la construction et de l’ameublement est séché à l’extérieur ou dans de grands hangars dans lesquels l’air est chauffé puis déshumidifié afin de retirer l’eau de l’enceinte. Créée en 2015, la start-up Ways a développé une technologie innovante de séchage du bois dans une atmosphère saturée en CO2. Ce procédé permet de sécher plus rapidement le bois, améliore ses qualités, et est un moyen de stockage du CO2. Aujourd’hui, l’entreprise est entrée dans une phase d’industrialisation, puisqu’elle projette de construire un premier démonstrateur cet été. Entretien avec Olivier Pistiaux, le directeur du développement de la société et associé de Ways.
Techniques de l’Ingénieur : Pouvez-vous présenter la technologie développée par Ways ?
Olivier Pistiaux : Le séchage du bois a connu très peu d’innovations ces dernières années, mis à part le séchage sous vide, un procédé qui n’est pas adapté à traiter de grands volumes et se révèle relativement coûteux. Notre entreprise apporte une vraie rupture, puisque nous séchons le bois dans une atmosphère saturée en C02. Notre procédé fonctionne comme le séchage traditionnel à la différence que les besoins en chauffage sont moins importants, car le CO2 est plus fluide et caloporteur que l’air. La cellule doit tout de même être étanche pour être saturée en CO2, mais fonctionne à pression atmosphérique. L’efficacité énergétique est optimisée grâce à un système de pompe à chaleur. En permanence, on déshumidifie l’enceinte et l’on réinjecte du CO2 en fonction de la quantité absorbée par le bois. Pour des raisons de secret industriel, je ne peux pas vous dévoiler plus de détails sur notre technologie.
Quels sont les avantages de votre procédé ?
Le séchage est beaucoup plus rapide. Par exemple, le temps de séchage du chêne est réalisé en 3 à 4 jours, alors qu’il prend entre 2 à 3 semaines dans des séchoirs traditionnels, et ce, pour une même qualité de séchage. Le taux d’humidité varie en fonction des applications et s’élève à environ 15 % pour le bois destiné à la construction, et entre 8 et 10 % pour l’ameublement.
Ensuite, le séchage sous atmosphère CO2 améliore la qualité du bois grâce aux transformations chimiques qui se déroulent pendant le process. Par exemple, la dureté en surface se trouve améliorée et les nœuds se durcissent, alors qu’ils ont tendance à sauter lors du séchage traditionnel. Cette qualité intéresse notamment les fabricants de parquets.
Enfin, le séchage se produit de manière beaucoup plus harmonieuse et sans déformation, alors que dans le cas du séchage à l’air, le bois a tendance à se rétracter, et l’on voit apparaître des déformations et des fentes, ce qui nécessite de sacrifier une partie de ce bois sur les côtés. Grâce au séchage sous atmosphère CO2, il n’y a quasiment pas de perte.
Et qu’en est-il du stockage du CO2 dans le bois ?
Plusieurs kilogrammes de CO2 sont stockés par m3 de bois, mais nous ne connaissons pas précisément le chiffre. Des travaux de recherche sont en cours pour évaluer la quantité exacte, notamment avec le BIA (Biopolymères Interactions Assemblages), un laboratoire de l’Inrae. Nous avons également fait appel au CEA qui procède à des analyses grâce à une méthode faisant appel à la résonance magnétique nucléaire. Le but de ces travaux est plus global et doit nous permettre de comprendre en détail quelles sont les transformations structurelles qui s’opèrent dans le bois pendant le procédé et pourquoi sa qualité se trouve améliorée. Même si nous ne comprenons pas encore exactement tous ces phénomènes, notre procédé est totalement maîtrisé et a été breveté dans 42 pays.
À quel stade se trouve le projet de Ways ?
Nous avons deux prototypes en fonctionnement. Le premier est installé dans un laboratoire d’un centre de recherche d’Air Liquide en région parisienne, qui abrite une pépinière de start-up appelée Accelair. Le second, situé dans nos locaux à Rodez, est de type semi-industriel et mesure 7 mètres de long. Il est installé depuis deux ans et nous a permis de maîtriser totalement notre process.
En ce moment, nous rentrons dans une phase industrielle, puisque GRDF nous a commandé un premier démonstrateur à l’échelle 1 en région parisienne. Il sera installé cet été à côté d’une unité de méthanisation qui produit à la fois du biométhane, ainsi que du CO2 biogénique, qui était jusqu’ici rejeté dans l’air. Nous allons nous connecter à ce méthaniseur et se servir du CO2 pour sécher le bois.
Sur le plan de la R&D, nous adaptons notre technologie pour valoriser le CO2 issu de fumées industrielles. Contrairement au CO2 issu d’un méthaniseur, des ajustements sont à réaliser puisque sa concentration peut varier et d’autres gaz sont souvent présents.
En amont, d’autres pistes de recherche sont en cours. L’une d’elles porte sur la réduction du traitement du bois. Nous avons de bonnes raisons de penser que notre procédé apporte une meilleure résistance du bois face aux agressions extérieures et est moins facilement attaquable par des insectes et des champignons. Nous étudions de quelle manière notre technologie permet de diminuer les quantités de biocides utilisées lors de l’opération de post traitement du bois.
Une autre piste de recherche concerne les applications potentielles liées à la capacité de notre procédé à atteindre très facilement un taux d’humidité de 0 % alors que ce niveau est très compliqué voire impossible à atteindre avec le séchage conventionnel. Nous travaillons avec des professionnels de la construction pour fabriquer du béton-bois. Cette technique consiste à injecter du bois dans du béton pour réduire l’empreinte carbone du béton.
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Suite à une intervention du FCBA (Forêt Cellulose Bois-construction Ameublement), la dernière phrase de la deuxième question dans laquelle cet institut technologique est cité a été supprimée.
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