Au détour d’une rue, une bourrasque fait dévier votre vélo. Vous resserrez l’emprise sur votre guidon. Un changement de direction suffit pour vous prendre de face un puissant vent contraire. Vous pédalez plus fort. Ce genre de situations inattendues auxquelles nous nous adaptons naturellement est une réelle préoccupation pour les fabricants de drones de livraison urbaine qui, par leur légèreté, sont sensibles aux fluctuations du vent.
Pour tester la résistance de ces drones, les fabricants leur font subir des écoulements d’air important dans des souffleries. Cependant, celles-ci produisent en général un flux continu. Flavio Noca, professeur d’aéronautique à la Haute École du paysage, d’ingénierie et d’architecture de Genève (HEPIA), a eu l’idée de mettre au point une soufflerie “pixellisée” composée de plusieurs petits ventilateurs indépendants pouvant reproduire les fluctuations du vent. Son ancien assistant, Guillaume Catry, commercialise quant à lui les souffleries via une spin-off de l’HEPIA, WindShape. L’inventeur de la soufflerie pixellisée nous explique le fonctionnement et les avantages d’une soufflerie pixellisée pour tester les drones.
Techniques de l’ingénieur : Pouvez-vous nous expliquer le principe de votre soufflerie pixellisée ?
Flavio Noca : Depuis une décennie arrivent sur le marché des drones ressemblant plus à des oiseaux que des avions. Par mauvais temps – pluie, rafales de vent, etc. – ces petits objets volants vont être plus secoués que les gros avions. Nous souhaitions développer une soufflerie qui puisse générer des vents avec des turbulences que pourraient rencontrer les drones s’ils devaient voler en extérieur. Il ne s’agissait pas de refaire les mêmes souffleries que les existantes, mises au point pour réaliser des écoulements peu turbulents. Nous avons eu l’idée de mettre au point une soufflerie pixellisée, composée de milliers de petits ventilateurs, générant un vent arbitraire et contrôlable. Cette soufflerie peut réaliser toutes sortes de vent : rafales, tourbillons, cisaillements, etc. Mais également des vents avec variation brusque de vitesse, comme un vent d’un côté de la façade d’un bâtiment mais pas de l’autre. Des conditions presque identiques aux conditions extérieures.
Presque identiques ?
Il nous reste effectivement une inconnue : nous ne savons pas comment sont ces vents à cette échelle. Quels vents vont rencontrer les drones dans les zones urbaines ? Comment le savoir ? Nous devons travailler sur les mesures de vent à petite échelle. Pour le moment, la météo “de tous les jours” est à grande échelle, c’est-à-dire avec une résolution de quelques centaines de mètres. Pour les drones, il faudra descendre à l’échelle du centimètre. Nous travaillons, dans le cadre de notre projet d’environnement de test intelligent, à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL) pour faire ces mesures avec un mât de 25 mètres instrumenté. Le cadre universitaire ressemble un peu au cadre urbain. Mais également sur l’utilisation du machine learning avec l’Ecole Polytechnique Fédérale de Zürich (ETHZ) : que dois-je faire avec chaque pixel de vent pour pouvoir reproduire l’écoulement en trois dimensions par le mât de mesure de l’EPFL ? C’est un projet sur lequel on va travailler ces prochaines années.
Quel est l’objectif de ce projet ?
L’idée est d’avoir un centre où il y aura cette soufflerie pour pouvoir faire voler n’importe quel type de drones. Même des drones taxis qui pourront transporter des humains. Notre soufflerie pixellisée est en effet composée de modules que l’on empile les uns sur les autres. On peut ainsi la faire aussi grande qu’on le souhaite. Il y a un grand intérêt de la part de toutes les entreprises pour développer et faire certifier leurs drones, comme celles de livraison Amazon, UPS ou encore DHL. Depuis la première commercialisation en 2017 à l’Institut de Technologie de Californie (Caltech) et le Jet Propulsion Laboratory (JPL) de la Nasa, les souffleries ont été vendues à l’Ecole Nationale d’Aviation Civile (ENAC) de Toulouse, à l’Université de Technologie de Nanyang (NTU) à Singapour, ou encore à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL). Des discussions sont également en cours avec le centre de certification de drones de New York. L’objectif est d’avoir un centre qui ne sera pas dédié uniquement à la certification, mais également au développement. Je pense que ce type de lieu va se propager un peu partout dans le monde.
Légende photo de une : La soufflerie pixellisée composée de petits ventilateurs peut générer tous types de vents/ Flavio Noca
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