« Nous ne pensions pas avoir un constat aussi négatif en fin de semaine dernière, regrette Mathieu Courgeau, président de « Pour une autre PAC ». Le texte sera sans doute un peu meilleur que l’ancienne PAC, mais n’est pas du tout suffisant pour relever les défis de la décennie à venir à la fois sur les paysans, l’environnement et le climat ». L’association qui fédère 43 organisations issues du monde paysan, des citoyens-consommateurs, des organisations de solidarité internationale, de protection de l’environnement et du bien-être animal, regrette que le Parlement européen ne se montre pas plus ambitieux.
Un budget plus vert ou un manque d’ambition ?
Le budget de la Politique Agricole Commune se répartit de façon inégale entre ses deux piliers. Les aides découplées de la production agricole, liées à taille des surfaces cultivées, ainsi que les aides couplées à la production, principalement pour l’élevage laitier, accaparent 70 % du budget. Elles constituent les aides directes, associées au premier pilier de la PAC, pour soutenir les marchés et les revenus des agriculteurs. Les 30 % restant concernent les aides du deuxième pilier, à savoir les aides liées au développement rural et à l’environnement. Il s’agit des mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC), des mesures d’aides à l’agriculture bio, des aides à l’investissement et à l’installation de jeunes agriculteurs et de l’indemnité compensatoire d’handicap naturel (ICHN).
Avec le texte voté par le Parlement, les subventions distribuées aux agriculteurs continueront d’être principalement déterminées par le nombre de surfaces cultivées et concernent avant tout le premier pilier de la PAC. Mais un nouvel outil intéressant entre en jeu pour accompagner la transition écologique : les « écorégimes ». Par ces écorégimes, les États membres s’engagent à transférer au moins 20 % de l’enveloppe accordée précédemment au titre du premier pilier à des programmes ayant un bénéfice environnemental, dans le deuxième pilier. Les organisations membres de « Pour une autre PAC » demandaient de transférer 40 % de cette enveloppe. « Nous aurions aimé avoir un calendrier de diminution des aides directes données à la surface sur les 5 ans à venir, partage Mathieu Courgeau. Nous aurions aimé que cet argent soit redirigé vers la transition agroécologique, que l’on ait un accompagnement beaucoup plus fort de toutes les fermes pour les inciter à changer leurs pratiques et que l’on soutienne vraiment les petites et moyennes fermes. »
Des plans stratégiques nationaux pour décliner la PAC
Chaque État membre doit désormais élaborer son plan stratégique national (PSN). Il s’agit de la déclinaison nationale que chaque pays entend faire des mesures de la PAC. Les eurodéputés ont voté un amendement pour que ce PSN soit conforme au Pacte Vert européen. L’ambition finale de la PAC dépendra beaucoup de chaque État membre et du montant des subventions transférées du premier au second pilier. « Actuellement, il n’y a pas de cap clair qui est donné, juge Mathieu Courgeau. Le risque est qu’il y ait 27 PAC différentes, avec des pays qui sont sur un marché commun. »
Le texte sera discuté désormais en trilogue, entre Commission, Parlement et Conseil européen. En parallèle, les États membres doivent élaborer leur plan stratégique national (PSN). En attendant, les ONG entendent mener campagne pour un texte plus ambitieux. « L’une de nos revendications principales est que l’argent de la PAC aille vers ce qui compte : les actifs paysans, l’emploi et la transition agroécologique », prévient Mathieu Courgeau.
Chaque PAC a échoué à définir un plafonnement des aides et cette question continue de faire débat. En juin 2018, la Commission européenne proposait d’avoir une dégressivité des aides directes liées au premier pilier, à partir de 60 000 euros, avec un plafond à 100 000 euros. Mathieu Courgeau résume ainsi la question : « Les ministres de l’agriculture européens sont d’accord sur ces chiffres mais rendent ce dispositif facultatif. Les eurodéputés veulent le rendre obligatoire. Le trilogue donnera le fin mot de l’histoire. Nous demandions un plafonnement de l’ensemble des aides à 50 000 euros. Nous avons conscience que la bataille est perdue d’avance sur ce point. »
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