Quelle innovation biotechnologique ne doit-on pas rater ce mois-ci ? Un pont digital reliant le cerveau à la moelle épinière permet à une personne paraplégique de remarcher…
Une lésion au niveau de la moelle épinière peut endommager les circuits descendants. Or, c’est par eux que transitent les commandes motrices envoyées aux neurones impliqués dans la marche. Le résultat peut aller jusqu’à la paralysie des jambes du sujet. Lors de précédents travaux, des chercheurs de l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL) avaient mis au point un logiciel capable de programmer l’envoi d’une stimulation électrique ciblée pour chaque activité motrice. Le dispositif nécessitait de nombreux capteurs de mouvement afin de déterminer les intentions de l’individu. Finalement, le sujet pouvait marcher de manière peu naturelle, et jamais sur un terrain difficile d’accès. Mais désormais, un partenariat franco-suisse entre des neuroscientifiques et des neurochirurgiens de l’EPFL/CHUV/UNIL et du CEA/CHUGA/UGA est parvenu à restaurer la communication entre le cerveau et la moelle épinière…
Un pont digital soutenu par deux implants
L’interface cerveau-moelle épinière mise au point par l’équipe de recherche internationale fonctionne comme un pont digital. Il est constitué de deux implants, l’un placé au niveau du crâne et l’autre sur la colonne vertébrale. Le premier est tiré de la technologie WIMAGINE. Il s’agit d’un boîtier circulaire en titane de 50 mm de diamètre, contenant 64 électrodes et situé à la surface du cortex cérébral moteur. Il enregistre l’activité corticale avant de la transmettre par communication sans fil à deux antennes externes fixées dans un casque personnalisé pour le patient, Gert-Jan, 40 ans et paraplégique des suites d’un accident de vélo il y a 10 ans. Les signaux corticaux sont ensuite transférés à une unité de traitement qui génère des prédictions d’intentions de mouvements. Une fois converties en stimulations, ces intentions parviennent au logiciel développé par l’EPFL. C’est alors que le deuxième implant entre en jeu. Ce neurostimulateur, ACTIVA RC, reçoit les informations reçues des antennes et les transmet au champ d’électrodes auquel il est connecté. Les électrodes délivrent une stimulation électrique dans la zone de la colonne vertébrale appelée espace épidural, en ciblant les racines nerveuses spécialisées dans le mouvement des jambes.
Et le « miracle » se produit ! Gert-Jan parvient à se tenir debout, à monter des escaliers et à marcher sur tout type de terrain. Il obtient de nouveau un contrôle volontaire et adaptatif sur l’amplitude et le rythme de ses pas. Autre point positif décrit par l’équipe de recherche dans Nature le 24 mai 2023, il semblerait que la neuroréhabilitation ait aidé à la récupération neurologique du patient. En effet, celui-ci est capable de marcher avec des béquilles alors même que l’interface est désactivée. Il est donc possible que de nouvelles connexions nerveuses se soient formées… Cette formidable avancée technologique ouvre une nouvelle ère dans le traitement d’autres déficits moteurs (bras, mains) dus à différents troubles neurologiques (AVC). Le projet se poursuit désormais en lien avec la compagnie ONWARD Medical. La collaboration a déjà reçu le soutien du Conseil Européen de l’Innovation en vue du développement d’une version commerciale du pont digital. L’objectif final étant de mettre cette technologie à la disposition du plus grand nombre.
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