Créée en 2017, la start-up grenobloise ROSI Solar va construire sa première usine de recyclage de panneaux photovoltaïques en Isère. L’investissement fait suite à un premier contrat décroché dans le cadre d’un appel d’offres lancé par Soren, l’éco-organisme qui gère en France la filière de collecte et de traitement des modules arrivés en fin de vie. Cette unité industrielle devrait être mise en service à la fin de l’année et traiter environ 2 000 tonnes par an, soit l’équivalent d’environ 100 000 panneaux. Son principal enjeu est l’extraction de métaux à forte valeur, tels que le silicium avec un volume attendu d’environ 60 tonnes, mais aussi du cuivre (20 tonnes) et de l’argent (2 tonnes).
Recycler des panneaux solaires est une opération complexe à mettre en œuvre ; ceux-ci sont protégés par une feuille en verre sur la face avant, et par un polymère très résistant aux intempéries à l’arrière. L’ensemble est collé par d’autres polymères, formant un encapsulant. En partenariat avec le laboratoire de recherche SIMAP (Science et Ingénierie des Matériaux et Procédés), ROSI Solar a développé deux procédés de recyclage. Le premier repose sur un traitement thermique par pyrolyse afin de dégrader les polymères en les évaporant et ainsi extraire le verre et les différents métaux.
Cette première étape a pour but d’accéder aux cellules photovoltaïques, qui représentent moins de 5 % de la masse des panneaux solaires, mais contiennent les métaux à forte valeur.
Le second procédé consiste à réaliser un traitement chimique, et permet notamment de séparer les fils d’argent présents à la surface des cellules et le silicium. Contrairement à l’hydrométallurgie, une technique qui consiste à dissoudre les fils d’argent puis à les déposer par électrolyse sur des anodes, le procédé développé est capable de recycler directement ce métal précieux et non des atomes d’argent dissous.
« De nombreuses personnes tentent de développer l’hydrométallurgie, mais ce procédé coûte cher et est difficile à gérer sur le plan environnemental, car il utilise des acides forts, analyse Antoine Chalaux, directeur commercial de ROSI Solar. L’avantage de notre technologie est qu’elle repose sur de la chimie douce et non agressive. Elle est plus simple à mettre en œuvre, car on s’attaque au point de liaison entre l’argent et le silicium et l’opération est réalisée dans une solution dédiée. Afin de rentabiliser notre unité industrielle, il y a un très fort intérêt à récupérer ces fils d’argent, car même s’ils ne représentent que 0,1 % de la masse totale des modules, ils constituent 50 % de leur valeur. »
Un objectif de recycler rapidement 10 000 tonnes de modules par an
Alors que les usines de recyclage actuellement en fonctionnement reposent essentiellement sur des procédés de broyages ou de concassage, avec pour objectif principal de récupérer le verre qui représente 70 % de la masse des modules, l’ambition de ROSI Solar est de recycler au minimum 80 % des différents constituants des panneaux. L’entreprise a déjà testé ses deux procédés à l’échelle un dans un bâtiment accolé au laboratoire SIMAP.
Dans le cadre de l’appel d’offres de Soren, la première étape du recyclage va être confiée à Envie 2E Aquitaine, entreprise filiale d’Envie, une fédération d’insertion par le travail. Ce prétraitement sera automatisé et réalisé grâce à une technologie développée au Japon et consistant à racler, à l’aide d’un couteau, le verre pour enlever la partie polymère. Il permettra de recycler le verre, le cadre en aluminium et les câbles. « Notre unité industrielle sera flexible et, dans un premier temps, ce flux prétraité constituera le principal entrant de notre ligne de production en Isère, précise Antoine Chalaux. Mais nous souhaitons très rapidement recycler plus de volume, avec l’objectif d’atteindre 10 000 tonnes, et de traiter des panneaux entiers venant de pays limitrophes. »
Une fois extraits, le cuivre et l’argent subiront des étapes de raffinage avant d’être vendus sur le marché comme un produit standard. Enfin, ROSI Solar compte travailler en partenariat avec un chimiste allemand afin de valoriser le silicium – qui demande un retraitement plus complexe – auprès de l’industrie. « Le recyclage des modules est important pour que l’image du photovoltaïque soit au niveau des enjeux de la production d’électricité renouvelable en France et en Europe, déclare Antoine Chalaux. Et il est important que les usines de recyclage soient rentables pour que la filière n’ait pas à payer au prix fort la gestion des panneaux usagés. »
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