Baptisée PDII, pour « proton-driven ion introduction », cette méthode utilise un phénomène similaire à l’éjection des boules de billards par d’autres boules. Le principe de la PDII est d’appliquer un courant à haute tension (plusieurs kV) à une anode en forme d’aiguille placée dans une chambre à hydrogène. La tension génère alors des protons par dissociation de l’hydrogène. Les protons migrent le long du champ électrique et sont dirigés vers un premier matériau, source des ions que l’on souhaite introduire. Les ions (positifs) de la source sont alors eux-mêmes éjectés de la source vers le matériau hôte placé dessous où ils s’intercalent dans des espaces nanométriques entre les feuillets d’un cristal.
D’intéressants premiers essais
Dans cette étude, parue dans le Journal of American Chemical Society, l’équipe de chercheurs a réussi à introduire de manière homogène des ions lithium, sodium, potassium, cuivre et argent dans un matériau 2D, le bisulfure de tantale, tout en maintenant ses caractéristiques cristallines. L’équipe a aussi réussi à substituer des atomes de sodium à des atomes de potassium dans un Nasicon (Na-Super Ionic Conductor) de type Na3V2(PO4)3, créant ainsi un nouveau matériau thermodynamiquement stable que l’on ne peut pas obtenir par des méthodes de synthèse conventionnelle. Les chercheurs espèrent pouvoir utiliser d’autres ions dans des matériaux hôtes plus divers, ouvrant ainsi la voie pour la synthèse de très nombreux nouveaux matériaux. Reste maintenant à travailler sur une méthode similaire qui permettrait de manipuler des ions négatifs ou multivalents, notamment pour le développement de matériaux fonctionnels pour les batteries ou l’électronique.
Avantages par rapport à d’autres méthodes
Bien souvent, l’insertion ou la substitution d’ions sont menées dans des solutions ioniques. Outre l’aspect parfois peu pratique, ces réactions présentent plusieurs inconvénients majeurs : il est difficile de rendre l’insertion homogène et certaines molécules du solvant peuvent aussi s’insérer en plus des ions, dégradant la qualité du cristal, sans compter tous les matériaux qui ne supportent pas d’être placés dans un liquide ! Dans des méthodes à l’état solide comme le dépôt chimique en phase vapeur (CVD) parfois utilisé pour l’insertion d’ions, certaines contraintes de mise en œuvre limite les possibilités : limitation de la taille des échantillons, besoin de très hautes températures. La PDII développée ici pourrait permet de se passer de ces contraintes : pas de limitations de taille, températures moins élevées (100-350°C pour le transfert d’ions cuivre, argent ou de métaux alcalins).
Par Sophie Hoguin
Dans l'actualité
- Une nouvelle technique expérimentale pour des matériaux plus résistants aux déformations extrêmes
- Cristallographie : quand un ordre inattendu émerge d’un matériau nanostructuré
- Un nouveau matériau pour purifier le gaz naturel
- La Multifab, l’imprimante 3D capable de manipuler jusqu’à 10 matériaux
- Une nouvelle technique pour tester la résistance des nanomatériaux
- 5 matériaux de construction aussi design que performants
- Le marché de l’impression 3D explose, dynamisant du même coup celui des matériaux
- Quels matériaux pour les routes du futur ?
- Ces matériaux utilisent la photocalyse pour purifier l’environnement
- Les molécules sont-elles droitières ou gauchères ?
- Un nouveau procédé sans colle pour lier métal et composite
- De nouvelles nanofibres à la force exceptionnelle
- Adhésifs : des feuilles d’hydrogel qui se verrouillent en milieu humide
- Prévoir l’évolution des solides mous pour l’impression 4D
Dans les ressources documentaires