Corus Rail a développé et breveté une nouvelle méthode de réparation par soudure des défauts sur les rails. Elle vise à systématiser et à automatiser certaines procédures qui, dans la technique de soudage à l'arc manuel utilisée traditionnellement, sont source de fluctuations et affectent la qualité de la réparation.
Le roulement des roues sur le rail génère des contraintes élevées au niveau de la zone de contact rail-roue, ce qui entraîne inévitablement des altérations du matériau en surface. Des défauts tels que les « squats » ou les empreintes de patinage se rencontrent même sur les réseaux les plus modernes et les mieux entretenus, sachant qu’un réseau présente en moyenne, et par an, un défaut de ce type tous les deux kilomètres. Or la réparation de la section incriminée par couponnage est une procédure coûteuse (une réparation ou un remplacement par couponnage peut atteindre plusieurs milliers d’euros) et pas forcément souhaitable étant donné qu’elle introduit deux nouvelles discontinuités sur le rail sous la forme de deux soudures aluminothermiques qui réduisent à néant les avantages d’un rail laminé à chaud en grande longueur (pouvant mesurer jusqu’à 120 m) en terme de régularité de roulement. L’alternative généralement utilisée pour la réparation de ce genre de défauts est le soudage à l’arc. Mais cette technique pourtant très répandue dans de nombreuses industries présente un certain nombre d’inconvénients : la qualité de la réalisation dépend fortement du savoir-faire du soudeur, elle prend beaucoup de temps et génère souvent des défauts internes tels que des porosités qui peuvent s’aggraver avec la fatigue du matériau, voire provoquer la rupture du rail s’ils ne sont pas détectés à temps.
Une réparation en 4 étapes
La société Corus Rail a développé et breveté un nouveau procédé semi-automatique et est en train de fabriquer un équipement pilote qui permettra de réaliser des démonstrations sur voie. D’ores er déjà, plusieurs réseaux européens, dont la France et le Royaume-Uni, se sont montrés intéressés compte tenu de la rentabilité et de la fiabilité de cette nouvelle procédure qui repose sur les éléments techniques suivants :
- le passage d’une température de préchauffage traditionnelle de 350 °C à seulement 80 °C permet une exécution plus rapide des réparations, une réduction de la profondeur de la zone thermiquement affectée et produit une microstructure beaucoup plus homogène et reproductible ;
- la standardisation de la procédure d’élimination de la zone défectueuse par un fraisage automatisé présente l’avantage de la reproductibilité et ne dépend plus de l’appréciation parfois subjective d’un opérateur ;
- le recours à un procédé de soudage à l’arc semi-automatique et programmé avec fil fourré permet de contrôler les températures de soudage et de calculer à l’avance la durée de l’opération.
La surface de roulement soudée avec cette nouvelle technique est de meilleure qualité car la zone réparée est très résistante à la fatigue et présente une résistance à l’usure identique à celle de rails de nuance R260 standard du fait de la régularité de sa dureté et de sa microstructure sur l’ensemble de la zone soudée.
La nouvelle technique de Corus comporte 4 étapes :
- 1ère étape : la partie défectueuse est d’abord extraite à l’aide d’une fraiseuse trois axes mobile qui se fixe sur le côté du rail. Cette technique permet une découpe régulière qui constitue en soi une amélioration importante par rapport à la découpe à la meuleuse manuelle ou au chalumeau qui l’une comme l’autre produisent des cavités et des finitions de surface irrégulières qui ne permettent pas un soudage automatique programmé ;
- 2ème étape : la zone adjacente et la cavité sont préchauffées à l’aide d’un brûleur traditionnel. Pour les rails de nuance 260, la température de préchauffage requise se situe entre 60 et 80 °C. Cette température permet d’obtenir une microstructure maîtrisée de la zone affectée thermiquement (ZAT) : l’utilisation d’une stratégie de rechargement avec des mouvements rectangulaires pour l’application des cordons de soudure garantit que la microstructure de la ZAT sera constituée d’une perlite fine ne comportant aucune trace de martensite qui fragilise le matériau. Si cette température est adaptée à la grande majorité des aciers à rail à forte teneur en carbone utilisés aujourd’hui, elle devra néanmoins être modulée pour les aciers présentant des caractéristiques de transformation différentes, par exemple les aciers bainitiques sans carbure à faible teneur en carbone ;
- 3ème étape : soudage à l’arc utilisant une soudeuse semi-automatique, un consommable de soudage TN3-0 homologué par Network Rail (Royaume-Uni) et une série de paramètres de soudage standards. Le positionnement de la dernière couche (supérieure) est une opération très importante pour éviter de créer une nouvelle zone affectée thermiquement. La majeure partie de cette couche sacrificielle est ensuite rectifiée à la meule ;
- 4ème étape : rétablissement du profil transversal et longitudinal du rail en rectifiant la zone de réparation à l’aide d’une meuleuse de rails traditionnelle.
Des millions de cycles sans défaillance
Une étude comparative de la technique SAEE (soudage à l’arc avec électrode enrobée) existante et du nouveau procédé a été réalisée en effectuant, dans les deux cas, une série de relevés de profils temps / températures à l’aide de thermocouples intégrés dans le rail. Les résultats de cette étude permettent de tirer différentes conclusions importantes confirmant la robustesse du nouveau procédé sur le plan métallurgique :
- malgré la faiblesse des températures de préchauffage utilisées (seulement 80 °C), la température de la ZAT après l’application de chaque cordon de soudure est supérieure à 200°C, ce qui évite toute transformation martensitique (la température d’apparition de la martensite est de 160 °C pour les rails de nuance 260) ;
- la nouvelle technique garantit des vitesses de refroidissement à peu près identiques à celles observées avec le procédé SAEE traditionnel pour toutes les passes de dépôt à l’exception de la première. La vitesse de refroidissement la plus élevée (5,2 °C/s après l’application du premier cordon de soudure) est également égale à la moitié de la vitesse critique de transformation martensitique de la nuance 260 ;
- une interface de soudure sans fissures est garantie. Elle présente une microstructure à 100 % perlitique et exempte de toute trace de martensite ou de bainite ;
- un profil de dureté indique que la résistance à l’usure du dépôt de soudure bainitique sera comparable à celle du rail de nuance 260 initial et évitera tout creusement longitudinal du rail ;
- la soudure a été soumise à un test de fatigue à la flexion par application d’une contrainte 3 fois supérieure à celles produites en conditions d’exploitation. Elle a ainsi supporté 5 millions de cycles sans aucune défaillance, puis 4,3 millions de cycles supplémentaires par application cyclique d’une contrainte 8 fois supérieures à celles supportées en conditions d’exploitation.
Par Marc Chabreuil
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