Le monde a basculé dans une nouvelle économie de l’énergie, selon l’Agence internationale de l’énergie, tirée par les technologies des sources renouvelables. Son dernier rapport Energy Technology Perspectives montre les défis à relever, en priorité la diversification des approvisionnements en matériaux et matériels.
Tous les deux ou trois ans, l’agence internationale de l’énergie (AIE) publie l’état de l’art des technologies dans le secteur de l’énergie. L’Energy Technology Perspectives, sorte de bible des solutions techniques, de leurs dynamiques de marché et de leur pertinence au regard de la transition énergétique, fait référence dans le monde.
Encore en convalescence de la crise sanitaire et sous tension à cause de la guerre en Ukraine, beaucoup de pays peuvent trouver une opportunité de croissance et de création d’emplois avec les nouvelles industries de la transition énergétique. Selon l’AIE, ce marché représente 650 milliards de dollars par an à l’horizon 2030, soit trois fois plus qu’aujourd’hui. Les emplois concernés pourraient passer de 6 à 14 millions d’ici 2030, dont la moitié dans les technologies les plus massifiées : solaire photovoltaïque, éolien, véhicules électriques et pompes à chaleur.
Mieux diversifier les approvisionnements
Le monde fait déjà face à des tensions sur les chaînes d’approvisionnement, source d’augmentations de prix de matières premières qui se répercutent sur les prix des produits finis. Les énergies fossiles subissent ces contraintes, mais les nouveaux marchés également. Ainsi, lithium, nickel et cobalt ont fait augmenter le prix des batteries électriques de 10 % en 2022, tout comme d’autres matériaux (acier, cuivre ont vu leur prix doubler entre mi-2020 et mi-2022) l’ont fait pour l’éolien. Les marchés en croissance risquent d’exacerber ce phénomène, en augmentant la dépendance à des productions concentrées dans certains pays. C’est le cas dans l’éolien, les batteries, les électrolyseurs, les panneaux solaires et les pompes à chaleur où 70 % des capacités productives sont déjà accaparées par les trois pays les plus producteurs de chacune de ces technologies, souvent en Chine.
Chaque pays a donc intérêt à diversifier ces chaînes d’approvisionnement et à élaborer des politiques de production sur son territoire. Europe, États-Unis, Inde, Japon, Chine, tout le monde est sur les rangs pour essayer de tirer un avantage compétitif de « cette nouvelle économie de l’énergie » selon les mots du directeur général de l’AIE, Fatih Birol. Des plans massifs d’investissements ont été annoncés. S’ils sont réalisés, ils pourraient satisfaire les deux tiers des besoins pour atteindre la neutralité carbone du scénario NZE (net zero emission) de l’AIE. Dans certains domaines comme le photovoltaïque, c’est même la totalité (voir graphe).
Mais les investissements sont pour l’instant à des degrés d’avancement différents selon les technologies. Par rapport aux annonces faites dans le monde, 25 % seulement des projets d’usines photovoltaïques sont en cours de construction, 35 % pour les batteries de véhicules électriques et 10 % pour les électrolyseurs. Là encore, la Chine est en avance sur les autres régions du monde et agrège les plus grands projets. Elle domine de fait le commerce international de ces technologies, par exemple dans l’éolien en comptant pour la moitié des exportations mondiales. Au-delà des questions de compétitivité, les pays doivent d’autant plus s’organiser que la somme des projets annoncés va conduire à des surcapacités mondiales de production dans le photovoltaïque, les batteries et les électrolyseurs et des sous-capacités pour les composants éoliens, les pompes à chaleur et les piles à combustible. Afin d’éviter de trop grands déséquilibres, Fatih Birol en appelle à la création de partenariats stratégiques pour utiliser les complémentarités entre pays et répondre à l’urgence climatique.
Anticiper sur le long terme
Pour l’AIE, chaque pays va être tributaire de ses avantages relatifs (accès à des ressources minérales, à des gisements d’énergie renouvelable, à une énergie bon marché, etc.) dans cette course aux technologies. L’investissement dans des infrastructures de cette nouvelle économie de l’énergie sera néanmoins incontournable pour le transport, la distribution ou le stockage d’électricité, d’hydrogène et de CO2. Les longs délais de construction de ces infrastructures obligent à les anticiper.
Un des autres enjeux majeurs pointés par l’AIE est celui des minerais critiques. Dans ce domaine également il est nécessaire de prévoir de nouvelles capacités minières sur le long terme, ainsi que les chaînes de traitement/fabrication des produits issus de ces minéraux. La Chine a déjà la main mise et pourrait la garder vu qu’elle annonce à elle seule 80 % des nouvelles capacités de production pour le cuivre d’ici 2030, 95 % pour le cobalt et 60 % pour le lithium et le nickel.
On notera toutefois que dans son scénario NZE, l’Agence internationale de l’énergie n’envisage pas de baisse réelle des consommations de matériaux (ciment, acier) ou même prévoit des hausses (aluminium). De même, les taux de recyclage des matériaux augmentent, mais de manière peu ambitieuse. Il est certain qu’avec une dimension de sobriété plus forte, les besoins seraient moins élevés, ce qui éviterait d’ouvrir trop de mines dont les coûts environnementaux et sociaux restent importants.
Réagissez à cet article
Vous avez déjà un compte ? Connectez-vous et retrouvez plus tard tous vos commentaires dans votre espace personnel.
Inscrivez-vous !
Vous n'avez pas encore de compte ?
CRÉER UN COMPTE