Les matériaux composites thermoplastiques intéressent fortement l’industrie aérospatiale. Comparés aux thermodurcissables, ils permettent la fabrication de pièces à une cadence élevée et de les assembler sans perçage, ni rivets ou visseries. Ils offrent une meilleure résistance à l’impact, ce qui constitue un avantage pour les pièces de fuselage qui peuvent subir des chocs, notamment d’oiseaux. Par contre, ces matières se transforment à des températures beaucoup plus élevées (environ 400 degrés, contre 180 pour les thermodurcissables) et sont donc plus difficiles à transformer. Au sein d’un projet baptisé Frames, une équipe de chercheurs a développé une nouvelle approche de fabrication du fuselage arrière des avions en thermoplastique. Ce projet s’inscrit dans le cadre du programme de recherche européen Clean Sky 2, dont l’objectif est de construire la future génération d’aéronefs.
« Nous avons démontré que l’on peut fabriquer le fuselage en double courbure, c’est-à-dire avec des formes complexes, ainsi que les raidisseurs qui servent de supports, en une pièce de structure unique, explique Guillaume Fourage, ingénieur et chef de projet à Compositadour, une plateforme technologique de l’ESTIA (École supérieure des technologies industrielles avancées). Pour parvenir à ce résultat, nous avons développé trois nouvelles briques technologiques qui vont être utilisées par le DLR (Deutsches Zentrum für Luft- und Raumfahrt – l’agence spatiale allemande) afin de fabriquer cette année un démonstrateur de la partie arrière d’un nouvel avion. »
La première brique technologique repose sur le développement d’un outil de simulation de la chauffe pendant le placement de la fibre. Grâce à une caractérisation optique du rayonnement de la source de chaleur, cet outil permet de prédire les températures de traitement pendant la fabrication des panneaux de revêtement. Il apporte une optimisation des processus de moulage des thermoplastiques, notamment en augmentant la vitesse de placement des fibres tout en contrôlant la consommation d’énergie.
Assembler directement la peau du fuselage et les raidisseurs
La deuxième brique concerne la fabrication des raidisseurs. Les scientifiques ont amélioré certains procédés de fabrication tels que le placement de fibre, également appelé AFP pour Automated fiber placement, et qui sert à la mise en forme des composites. « On vient draper des préformes à plat, puis elles sont transférées vers une presse, où elles sont réchauffées pour les ramollir, avant d’être mises sous presse pour leur donner leur forme finale. La pièce est ainsi estampée en un quart d’heure, alors qu’avec des matériaux thermodurcissables, le cycle de cuisson par autoclave prend 5 à 6 heures. »
Un autre procédé a contribué à faciliter la fabrication des supports de fuselage : le moulage continue en compression, également appelé CCM pour Continuous compression moulding. Il s’agit d’une méthode de fabrication des composites thermoplastiques renforcés de fibres. « Grâce à ces deux procédés, nous sommes parvenus à produire des profils de raidisseurs très courbés, y compris des variations d’épaisseur, et ce, dans un temps de cycle compétitif », déclare l’ingénieur.
La dernière brique technologique du projet Frames a consisté à développer un outil métallique, qui se présente sous la forme d’un moule fermé. Il a la particularité d’intégrer des moyens de chauffe, ce qui permet d’éviter l’utilisation d’un autoclave pour la montée en température. Il est conçu pour gérer les dilatations des éléments que l’on place à l’intérieur, et permet d’appliquer une pression sur les différentes zones, notamment aux interfaces entre les raidisseurs et la peau du fuselage. Grâce à lui, il est possible d’assembler directement, pendant la cuisson des pièces, la peau et les raidisseurs, sans opérations supplémentaires.
« Les composites thermoplastiques existent depuis longtemps, mais sont restés un peu dans l’ombre jusqu’à présent, car ils sont difficiles à transformer, ce qui les rend plus coûteux, analyse Guillaume Fourage. Nos différentes solutions technologiques montrent qu’il y a encore beaucoup de potentiel de développement de ces matériaux. Aujourd’hui, ils ont le vent en poupe auprès des industriels, qui ont besoin de réduire le temps d’assemblage des pièces et augmenter leur recyclabilité. »
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