Si l’ajout de nanotubes de carbone apparaît, en théorie, comme un excellent moyen d’améliorer les propriétés des composites, en pratique, les procédés chimiques actuellement employés ont l’inconvénient de provoquer une répartition inégale de ces nanotubes. Ce manque d’homogénéité est un frein au développement de composites encore plus performants.
Les composites à fibre de carbone : des matériaux aussi exceptionnels qu’améliorables
Les matériaux composites ont un point faible : comme ils sont constitués de couches de fibres, ils sont sujets à la délamination, c’est-à-dire au décollement de ces couches sous l’effet de contraintes.
L’ajout de charges fonctionnelles dans la matrice polymère de ces composites est ainsi une voie d’amélioration potentielle des propriétés mécaniques. Par ailleurs, depuis les années 2000, les nanotubes de carbone apparaissent comme des candidats intéressants, du fait de leur faible densité massique, mais pas uniquement. En effet, les propriétés électriques et thermiques des nanotubes de carbone sont aussi un moyen de fonctionnaliser ces composites.
Malheureusement, les procédés chimiques actuellement utilisés pour incorporer les nanotubes de carbone dans ces composites conduisent souvent à la formation d’agrégats, ce qui réduit l’intérêt de ces matériaux.
Le Docteur Amir Asadi, professeur assistant au Department of Engineering Technology and Industrial Distribution (TAMU) explique ce phénomène simplement : « le problème avec les nanoparticules est similaire avec ce qui se passe quand on ajoute du café moulu dans du lait : les particules de la poudre s’agglomèrent ou collent entre elles. »
Uniformiser la distribution des nanotubes de carbone avec des nanocristaux de cellulose
Selon le Docteur Asadi, il existe une structure chimique permettant de construire des composites à l’échelle nanométrique : il s’agit des nanocristaux de cellulose. Ces molécules obtenues à partir du recyclage de la pâte de bois ont la particularité de posséder des parties hydrophiles et des parties hydrophobes.
- La partie hydrophobe des nanocristaux a pour fonction de créer des liaisons avec les fibres de carbone et de les ancrer sur la matrice polymère.
- Les parties hydrophiles, quant à elles, aident à disperser uniformément les fibres de carbone.
Une méthode prometteuse
Pour la partie expérimentale, détaillée dans une publication du 14 mai 2020, dans le journal American Chemical Society (ACS) Applied Nano Materials, l’équipe de chercheurs a procédé comme suit :
- utilisation d’un tissu de carbone présent dans le commerce ;
- élaboration d’une solution aqueuse contenant des nanocristaux de cellulose et des nanotubes de carbone ;
- application de cette solution sur le tissu et utilisation de fortes vibrations pour garantir un mélange homogène ;
- séchage du tissu ;
- projection graduelle de résine pour former un composite à matrice polymère revêtu de nanotubes de carbone.
La caractérisation du matériau obtenu leur a permis de faire les observations suivantes :
- les nanocristaux de cellulose ont pour effet d’orienter les nanotubes dans une même direction ;
- une augmentation de 33 % de la résistance à la flexion du composite ;
- un gain de 40 % de la résistance au cisaillement interlaminaire.
La technique d’incorporation de nanotubes de carbone dans les composites développée par cette équipe de chercheurs semble donc prometteuse. Selon le Docteur Asadi, « c’est une voie à suivre pour le développement de composites hybrides, qui seront utiles pour de nombreux secteurs industriels comme l’aéronautique ou automobile. »
Pour en savoir plus :
Source : D’après l’article de Vandana Suresh, publié le 11 août 2020, Texas A&M University Engineering
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