Il arrive parfois que des phénomènes qui sembleraient, a priori, bien connus gardent une forte part de mystère. La manière dont se forment les bulles de savon n'avait ainsi jamais fait l'objet d'études scientifiques poussées, malgré les nombreuses applications qui nécessitent une production, ou au contraire une absence, de bulles.
Une équipe de chercheurs du département Matière molle de l’Institut de physique de Rennes (CNRS/Université Rennes 1) s’est penchée sur la question et a développé en laboratoire une machine à bulles auto-entretenue. Les chercheurs sont ainsi parvenus à déterminer la vitesse minimale à laquelle il convient de souffler sur un film de savon pour former des bulles, dans différentes conditions expérimentales. Ces travaux, qui permettraient d’optimiser divers procédés industriels, sont publiés le 19 février 2016 dans la revue Physical Review Letters.
De nombreux phénomènes naturels et procédés industriels nécessitent la formation de films liquides minces, pour la production de mousses par exemple. D’autres processus impliquent au contraire d’empêcher l’apparition de bulles, en particulier pour la fabrication de verres et le dépôt de couches liquides sur plaques ou sur fibres. Afin de pouvoir étudier en laboratoire la formation de bulles de savon, les chercheurs ont développé une machine à bulles expérimentale capable de conférer aux films de liquides minces une très grande durée de vie.
Une cuve placée en hauteur y laisse couler un fluide savonneux entre deux fils de nylon tendus. Le liquide s’écoule par gravité, puis est pompé pour revenir dans la cuve. Lorsque les deux fils, d’environ un mètre de long, sont éloignés l’un de l’autre, ils forment un film rectangulaire de liquide savonneux. Une « bouche artificielle », constituée d’une aiguille connectée à un régulateur de pression, permet de mimer le souffle humain. À basse vitesse, le jet de gaz déforme le film et crée une cavité qui s’affine lorsque la vitesse du gaz augmente, jusqu’au seuil de formation des bulles. Ces phénomènes rapides, difficilement discernables à l’œil nu, sont révélés en filmant l’expérience avec une caméra à haute vitesse.
Les chercheurs ont ainsi pu modéliser les résultats obtenus en fonction des différentes configurations expérimentales. Ils ont identifié les facteurs physiques clefs contrôlant la vitesse minimale à laquelle il convient de souffler, sur un film de savon, pour générer des bulles. L’équipe a également caractérisé l’influence de la distance séparant la « bouche » du film pour former une bulle, puis constaté que la vitesse d’écoulement et l’épaisseur du film d’eau savonneuse n’avaient pas d’impact sur la production des bulles dans les conditions étudiées.
Ces travaux rendent ainsi possible l’obtention d’excellentes données de mesures de taille et de fréquence de formation des bulles. Elles pourraient ainsi permettre d’optimiser divers procédés industriels.
Générer des bulles de savon requiert une vitesse du gaz (Vg) supérieure à une valeur seuil Vc (Film 1). Pour des vitesses de gaz inférieures au seuil, une cavité se forme dans le film de savon auto-entretenu, les autres paramètres de l’expérience demeurant identiques (Film2).© L. Salkin et al., Phys. Rev. Lett. (2016). Institut de physique de Rennes (CNRS/Université Rennes 1).
Court-métrage de vulgarisation scientifique « Les Bulles de savon«
Réalisée en 2014 par Louis Salkin (premier auteur de cet article, alors doctorant à l’Institut de physique de Rennes), cette vidéo a remporté la même année à Rennes le 1er prix du jury du Festival Sciences en cour[t]s.
Source : cnrs
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