Contrôler les neurones à l’aide de la lumière et maîtriser les souvenirs d’une simple impulsion lumineuse, voilà de quoi la science est désormais capable. Une équipe californienne vient de franchir une nouvelle étape en manipulant le cerveau de souris de façon à effacer un souvenir précis. Pour y parvenir, les hommes du Docteur Brian Wiltgen ont implanté un souvenir désagréable dans le cerveau des rongeurs en leur faisant subir une décharge électrique lorsqu’ils sont placés dans une cage. Après un tel traitement, les souris ressentent la peur dès qu’elles s’approchent de ladite cage. C’est alors que les scientifiques désactivent les neurones associés à ce souvenir grâce à des impulsions lumineuses. La peur est oubliée et les souris pénètrent dans la cage comme si de rien n’était !
Comment les chercheurs font-ils pour désactiver uniquement les bons neurones ? Pour bien comprendre l’expérience, il faut savoir que les souris utilisées pour l’expérience sont génétiquement modifiées de telle sorte que leurs cellules nerveuses produisent une protéine photosensible. Une fibre optique implantée directement dans le cerveau va alors permettre d’activer cette protéine à une longueur d’onde donnée. Cette dernière va alors fonctionner comme un interrupteur, allumant ou éteignant le neurone ciblé. Cette technique très récente s’appelle l’optogénétique. Les possibilités ouvertes par cette approche mixant optique et génétique lui ont valu d’être élue « Méthode de l’année » par le magazine Nature en 2010.
En 2012, l’équipe de Susumu Tonegawa au MIT parvenait déjà à reproduire un souvenir de peur à volonté. Les scientifiques avaient implanté dans le cerveau de souris génétiquement modifiés une canule de fibre optique qui leur permettait de stimuler directement des neurones. Ils ont généré de la peur chez ces cobayes via des chocs électriques. Puis, alors que les souris étaient en sécurité, ils ont activé certains neurones grâce à la lumière, provoquant la peur des rongeurs, envahis par le souvenir des impulsions électriques. Ces travaux confirmaient ainsi que les souvenirs étaient stockés directement dans les neurones.
Fin août 2014, ce même groupe enfonce le clou avec une expérience encore plus incroyable. Cette fois, ils ont réussi à transformer un souvenir désagréable en bon souvenir, et réciproquement. Ces travaux parus dans Nature ont consisté à travailler avec deux groupes de rongeurs génétiquement modifiés. Le premier est conditionné par la peur tandis que l’autre l’est au plaisir. Puis, les scientifiques inversent les groupes. Les cobayes du groupe apeuré par les chocs électriques sont placés avec des congénères du sexe opposé, situation très plaisante, tandis que les autres sont à leur tour soumis à des chocs électriques. Suffisant pour qu’un souvenir chasse l’autre. Le premier groupe ayant connu la peur puis le plaisir pénètre à nouveau dans la cage tandis que le groupe préalablement conditionné au plaisir puis effrayé se met à fuir. Les chercheurs ont donc réussi à remplacer une émotion par une autre de nature opposée.
Ces trois expériences démontrent la puissance de l’optogénétique, technique capable de contrôles les neurones grâce à des impulsions lumineuses.
Here come the Men In Black…
Par Audrey Loubens, journaliste scientifique