Le méthane est un puissant gaz à effet de serre. Durant l’anthropocène, sa concentration dans l’atmosphère a été multipliée par trois. Alors qu’en 2020, la pandémie liée au Covid-19 a provoqué un ralentissement des activités humaines et une réduction des émissions de méthane dans le secteur des combustibles fossiles, leur concentration dans l’atmosphère a, contre toute attente, augmenté de 15,1 ppb (parties par milliard). Il s’agit de la plus importante hausse observée depuis le début des mesures atmosphériques, dans les années 1980. Une équipe internationale de chercheurs, regroupant en France des scientifiques du LSCE (Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement), vient de révéler l’origine de cette augmentation spectaculaire. Leur étude a été publiée dans la revue Nature.
La première raison est liée à la baisse des radicaux hydroxyles (OH) dans l’atmosphère. Ceux-ci sont les principaux agents de destruction du méthane, car ils éliminent environ 85 % des émissions mondiales chaque année. Mais ces radicaux, extraordinairement réactifs, sont présents en quantités infimes dans l’atmosphère et ont une durée de vie, très brève, inférieure à une seconde. Si bien qu’il est impossible de mesurer leur concentration directement.
Pour tout de même les quantifier, le LSCE a simulé les changements des OH dans l’atmosphère à l’aide d’un modèle numérique 3D de chimie-transport appelé INCA (INteraction avec la Chimie et les Aérosols). Et pour le faire fonctionner, le laboratoire s’est basé sur les émissions anthropiques, sur l’année 2020, de monoxyde de carbone, d’hydrocarbures et d’oxyde d’azote (NOx). Ceux-ci sont en effet responsables de la présence des radicaux hydroxyles (OH) dans l’atmosphère. Résultat : le modèle numérique a calculé que les émissions de NOx provenant de combustions anthropiques ont chuté de 6 % en 2020. Les réductions les plus importantes se sont déroulées au cours du premier semestre de l’année, lorsque des mesures de confinement ont été imposées dans de nombreux pays de l’hémisphère nord. En outre, les émissions de NOx des avions dans la haute atmosphère ont pratiquement cessé pendant le pic de la pandémie.
La diminution des NOx modifie la durée de vie du méthane atmosphérique
À partir de ce chiffrage, les chercheurs sont parvenus à en déduire une diminution de 1,6 % des OH troposphériques en 2020, principalement due à la réduction de la pollution par les NOx. Bien que l’ampleur de la diminution, estimée par cette approche et confirmée par une seconde, semble faible à première vue, elle se traduit en fait par une hausse anormale de la concentration de méthane d’environ 7,5 téragrammes en 2020. Cette progression représente environ la moitié du taux de croissance du méthane observé dans l’atmosphère cette année-là.
De nombreux pays dans le monde mettent en place des politiques publiques visant à améliorer la qualité de l’air, grâce notamment à une réduction des émissions de NOx. Parallèlement, en novembre 2021, 150 pays se sont engagés à réduire collectivement les émissions de méthane d’ici à 2030 d’au moins 30 % par rapport aux niveaux de 2020. Pour atteindre cet objectif et compte tenu des résultats de cette étude, il faudra donc également prendre en compte les tendances des émissions anthropiques de NOx et d’autres polluants qui modifient la durée de vie du méthane atmosphérique.
Le deuxième facteur expliquant l’augmentation de la concentration de méthane atmosphérique en 2020 est à mettre sur le compte de la hausse des émissions naturelles provenant des zones humides. En cause : un climat plus chaud et plus humide cette année-là sur ces territoires. Les simulations de deux modèles d’écosystèmes utilisant différents jeux de données climatiques ont calculé une augmentation des émissions de ces zones humides d’environ 6 téragrammes en 2020. Ces augmentations se situent principalement dans la région boréale de l’Amérique du Nord, en Sibérie occidentale et orientale, ainsi que dans les tropiques du nord. Ces émissions plus importantes des zones humides expliquent environ 42 % de l’augmentation anormale de la concentration du méthane dans l’atmosphère en 2020, par rapport à 2019.
Cette étude a par ailleurs démontré une grande sensibilité des zones humides à la variabilité du climat. Cela signifie que l’augmentation des émissions de méthane dans les régions contenant des zones humides tropicales et septentrionales où les précipitations devraient augmenter à l’avenir pourrait amplifier le réchauffement climatique.
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