Interview

Une éolienne spécialement adaptée en milieu urbain

Posté le 13 avril 2020
par Nicolas LOUIS
dans Énergie

De forme cylindrique et verticale, l'éolienne conçue par la start-up Unéole s'installe sur le toit des immeubles et tire profit des vents tourbillonnants des villes. Rencontre avec Quentin Dubrulle, le fondateur et dirigeant de cette entreprise.
Crédit photo : Unéole

Alors que les éoliennes fleurissent un peu partout dans les campagnes, elles sont quasiment absentes des villes. Inadaptées aux zones urbaines, les grandes tripales créent des vibrations là où elles sont implantées et provoquent du bruit lorsqu’elles tournent à grande vitesse. Des effets qui présentent un caractère anxiogène pour la population. Pour remédier à cette situation, Quentin Dubrulle a créé en 2012 une start-up avec l’idée de concevoir une éolienne spécialement adaptée aux villes et à ses vents tourbillonnants. Aujourd’hui, sa société compte six salariés et vient de débuter la commercialisation de son innovation. Entretien avec Quentin Dubrulle, fondateur et dirigeant d’Unéole.

Techniques de l’Ingénieur : Comment fonctionne votre invention ?

Quentin Dubrulle, fondateur et dirigeant d’Unéole : Nous avons repris l’idée d’un inventeur finlandais, Sigurd Savonius, qui a inventé une éolienne à axe vertical au début du 20ème siècle. Grâce à un logiciel CFD (computational fluid dynamics), nous avons retravaillé sa forme et sa courbure pour améliorer son aérodynamisme. L’éolienne ressemble aujourd’hui à un cylindre vertical de 2,7 mètres de haut et 1,45 m de large. Elle est divisée en trois étages avec des hélices incurvées et décalées de 60° d’un étage à l’autre afin que les vents tourbillonnants s’y engouffrent plus facilement. Les performances s’en trouvent améliorées avec une production plus homogène tout au long de la rotation de l’éolienne. Sur le plan de son aérodynamisme, l’éolienne utilise quasi uniquement le concept de la traînée c’est-à-dire qu’elle tourne grâce au vent qui pousse les hélices. Nous n’utilisons presque pas le phénomène de portance qui consiste à utiliser des différences de pression afin de dévier le flux de l’air et que l’on rencontre sur les éoliennes à grandes tripales. Les hélices tourneraient alors trop vite et provoqueraient du bruit lorsqu’elles fendent l’air.

L’éolienne conçue par Unéole fait 2,7 m de haut et 1,45 m de large et est composée de trois étages /Unéole

Dans quelles conditions peuvent-elles être installées ?

Elles sont principalement conçues pour les immeubles. Avant l’installation, nous étudions au préalable les gisements de vents, c’est-à-dire leur direction, la façon dont ils s’accumulent et s’accélèrent entre les bâtiments. Pour cela, nous utilisons le service collaboratif de cartographie en ligne : OpenStreetMap. Il nous permet de modéliser les vents de manière numérique afin de simuler leurs impacts sur nos éoliennes. Nous en déduisons le meilleur endroit où les installer sur un toit. Nous n’installons pas une mais plusieurs éoliennes, alignées et perpendiculaires au vent dominant et sur deux voire sur trois endroits du toit. Et nous les associons toujours avec des panneaux photovoltaïques en faisant appel à un installateur sur place. Ces panneaux vont produire de l’électricité durant la journée et beaucoup plus l’été qu’en hiver. Nos éoliennes vont compenser en partie leur intermittence en dehors de ces périodes. Notre objectif est de rendre autonome tout un immeuble en trouvant le bon mix entre ces deux énergies.

Quel est le rendement espéré et pour quel coût ?

Une éolienne peut produire jusqu’à 1 500 kWh par an. Sur un bâtiment de 1000 m2 sur lequel nous allons installer des panneaux photovoltaïques et une vingtaine d’éoliennes, il est possible selon nous de produire entre 100 et 150 MWh par an d’électricité. En considérant un bâtiment basse consommation de 4 à 5 étages abritant entre 40 et 50 foyers qui consomment en moyenne 2 à 3 MWh d’électricité par an, on peut alors viser l’autonomie énergétique. L’investissement se chiffre entre 300 et 400 000 euros pour un coût de production de cette électricité compris entre 12 et 14 centimes par kWh. Pour la maintenance, nous nous chargeons de remplacer les roulements du rotor au bout de 10 ans, l’onduleur après 12 ans et la génératrice après 15 ans.

Avez-vous débuté la commercialisation ?

Notre solution technologique est disponible depuis octobre dernier. En ce moment, nous avons une dizaine de projets en cours de négociation avec l’objectif de signer au moins deux contrats avant la fin de l’année. Nous comptons aussi nous développer à l’étranger en proposant des modules de formation pour concevoir et installer nos éoliennes. Nous sommes sensibles à notre impact sur l’environnement et dans ce cas, nos éoliennes sont construites avec les matériaux des pays concernés. Elles sont fabriquées avec de l’aluminium et de l’inox inoxydable recyclés et recyclables. Pour assurer le développement de notre société, nous ouvrons aussi son capital pour un montant d’un million d’euros. Nous avons déjà trouvé près de la moitié de cette somme.

Propos recueillis par Nicolas Louis

Crédit photo de une : Unéole


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