En plus des polluants réglementés établis par l'Europe, la France a défini une liste de polluants d'intérêt national à mesurer dans l'air, à laquelle s'ajoute une liste de polluants dits prioritaires que l'ANSES recommande de surveiller. Peu de méthodes normalisées existent pour les quantifier et une diversité d'outils et de méthodes est utilisée pour les qualifier.
En raison de leur potentiel impact sanitaire et environnemental, l’État français a défini une liste de polluants d’intérêt national (PIN) à surveiller dans l’air ambiant extérieur, en plus de ceux dits réglementés, au sens des directives européennes. À cette liste, s’ajoutent 13 polluants dits prioritaires, dont certains sont déjà couverts par les PIN, que l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) préconise également de surveiller régulièrement, dans un rapport publié en 2018. Peu de méthodes normalisées existent pour quantifier ces polluants dont la composition physico-chimique peut être par ailleurs très hétérogène : gazeux, particulaires, organiques, inorganiques… Les AASQA (Associations Agréées pour la Surveillance de la Qualité de l’Air) et les organismes de recherche peuvent avoir recours à une diversité d’outils pour les qualifier, avec des méthodes qui peuvent différer notamment en fonction de l’objectif de surveillance souhaité.
Dans la liste des PIN, sont inscrites 75 substances pesticides. La méthode de mesure retenue consiste à réaliser des prélèvements de l’air à l’aide de cartouches couplées à des filtres (substances semi-volatiles) ou de filtres uniquement (substances polaires), puis à procéder à plusieurs types d’analyses par chromatographie, principalement grâce à des détecteurs spectrométriques. « Cette méthode est robuste et fiable, déclare Sabine Crunaire, chargée d’études pour le LCSQA (Laboratoire Central de Surveillance de la Qualité de l’Air) et Enseignant-Chercheur au sein de l’IMT Nord Europe. L’ensemble des molécules de la liste est mesuré sur l’ensemble du territoire français, dont les DROM (Départements-Régions d’Outre-Mer). En fonction du tissu agricole et donc des sources locales, certaines AASQA peuvent demander l’analyse de substances complémentaires. »
Grossir artificiellement la taille des particules ultrafines
Pour détecter certains composés présents dans les particules (sulfate, ammonium, nitrate, matière organique, carbone suie), tous classés dans la catégorie des PIN, deux méthodes sont employées. La première consiste à les prélever à l’aide de filtres, puis à extraire lesdites substances pour les analyser par des techniques de chromatographie liquide. La seconde, appelée ACSM (Aerosol Chemical Speciation Monitor), est réalisée par spectrométrie de masse, en temps réel. « La première méthode a une meilleure précision, car le prélèvement se déroule plus longtemps, typiquement 24 heures, ce qui permet d’accumuler plus d’échantillons et de diminuer les limites de détection, souligne Sabine Crunaire. Alors que l’ACSM permet d’obtenir des mesures temporelles plus fines, de l’ordre de la demi-heure. Les fractions particulaires que l’on peut atteindre ne sont en plus pas les mêmes. Avec l’ACSM, on analyse les fractions des particules PM1 (diamètre aérodynamique inférieur à 1 micromètre) alors qu’avec les filtres, ce sont plutôt les PM10 et les PM2,5, c’est-à-dire des particules prélevées avec une efficacité supérieure à 50 % pour des diamètres aérodynamiques respectivement inférieurs à 10 et 2,5 micromètres. »
À noter que le carbone suie exige une méthode particulière d’analyse consistant à utiliser un aethalomètre. Il s’agit d’un instrument optique d’absorption à différentes longueurs d’onde, permettant de remonter à l’origine du carbone suie, et de connaître s’il est issu de la combustion de biomasse, du trafic routier… Le suivi de la composition chimique des particules fines en milieu urbain est piloté par l’Ineris dans le cadre du dispositif CARA (Caractérisation chimique des particules).
Quant aux particules ultrafines (PUF), dernier polluant à avoir été intégré à la classe des PIN, un procédé de comptage à noyau de condensation est employé. Cette technique consiste à grossir artificiellement la taille des particules (à partir de 7 nanomètres de diamètre), afin de déterminer la concentration en nombre plus facilement.
La liste de l’ANSES comprend cinq métaux : le vanadium, le cobalt, l’antimoine, le cuivre et le manganèse. La méthode d’analyse pour les mesurer est éprouvée, puisque c’est la même que celle employée pour les métaux lourds réglementés (arsenic, cadmium, plomb, nickel). Des prélèvements à l’aide de filtres sont pratiqués, puis intervient une phase d’extraction au four micro-onde en milieu acide, suivie d’une analyse en laboratoire par ICP-MS (Inductively Coupled Plasma- Spectromètre de masse) à l’aide d’une torche à plasma. « Les limites de détection pour l’antimoine restent assez élevées, complète Sabine Crunaire. Tout comme pour les pesticides, les quantités recherchées sont extrêmement faibles, de l’ordre de la dizaine ou centaine de nanogrammes par m³. À chaque étape, il faut donc s’assurer que l’extraction est complète et l’analyse nécessite le raccordement à des matériaux ou des solutions de références certifiés. À noter que des essais sont actuellement menés par le LCSQA afin de réaliser des analyses en temps réel de certains métaux, mais ces travaux sont encore à leurs prémices. »
Des mesures dites indicatives peuvent aussi être utilisées
Tous les composés organiques de la liste de l’ANSES (1,3-butadiène, 1,1,2-trichloroéthane, trichloroéthylène, l’acrylonitrile et naphtalène) peuvent être mesurés par chromatographie en phase gazeuse. Ce procédé nécessite une étape de préconcentration, qui consiste à collecter pendant une durée de l’ordre de 30 minutes les composés sur un support de prélèvement, généralement du noir de carbone graphité ou un polymère, dans le but d’accumuler de la masse d’échantillons. Ce support est ensuite chauffé très rapidement à haute température (200-300°C), afin de récupérer les composés accumulés pour les séparer et les analyser par une technique de chromatographie en phase gazeuse couplée à un système de détection (détecteur à ionisation de flamme, spectromètre de masse…). « Cette méthode est assez lourde à mettre en œuvre et demande une technicité et des contrôles métrologiques poussés, précise Sabine Crunaire. Pour chaque composé organique, il faut en effet adapter le support de préconcentration et la méthode chromatographique utilisée. Si les 5 composés organiques de la liste ANSES sont tous présents dans le même échantillon, il est important que les conditions d’échantillonnage, de désorption et d’analyse soient finement optimisées pour obtenir un résultat robuste avec un prélèvement unique. »
Le carbone suie et les PUF étant déjà inclus dans la liste des PIN, il reste un dernier composé dans la liste de l’ANSES : le sulfure d’hydrogène (H2S). Pour mesurer sa concentration, la méthode la plus répandue consiste à d’abord le convertir en dioxyde de soufre (SO2), par oxydation à l’aide d’un catalyseur chauffé, puis à mesurer le SO2 par fluorescence UV.
Toutes les méthodes décrites ci-dessus permettent d’obtenir des mesures avec un niveau d’incertitude le plus faible possible. Les organismes en charge des mesures peuvent aussi recourir à des mesures dites indicatives, souvent moins lourdes à mettre en œuvre, mais avec un niveau de confiance dans le résultat obtenu moins élevé. Ces méthodes peuvent être utilisées dans un premier temps, afin de détecter la présence de certains polluants, avant que des mesures plus précises soient réalisées. Dans le cas des composés organiques, il est par exemple possible d’effectuer des prélèvements passifs, qui ne nécessitent pas de pompage, à l’aide de petites cartouches remplies d’un absorbant, sur lequel vont venir se fixer les polluants de l’air. Le prélèvement se déroule pendant un temps long, environ une à deux semaines, à la suite de quoi l’échantillon est récupéré puis analysé.
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