Le contexte géopolitique actuel oblige l’Union européenne à accélérer, d’un point de vue quantitatif et qualitatif, ses capacités de télécommunications sécurisées par satellite.
Un objectif qui n’a pas attendu le conflit ukrainien pour être fixé par l’Europe. Depuis que l’OTAN a déclaré en 2016 que le cyberespace était le cinquième domaine militaire opérationnel dans lequel elle opérait, les Alliés se partagent plus d’informations et s’entraident en cas de cyberattaques.
Cette volonté s’est traduite notamment par la création du Centre de coordination du domaine de l’information et du cyberespace (CIDCC) géré par quatre pays de l’UE (France, Allemagne, Hongrie et Pays-Bas). Mais depuis quelques mois, la guerre des ondes prend de la hauteur !
« L’espace est en effet un domaine très convoité dans lequel l’Union européenne doit garantir ses intérêts essentiels. Et nos technologies spatiales sont devenues des capacités stratégiques pour nos citoyens, pour la résilience de nos économies et bien sûr pour nos armées », a rappelé Thierry Breton, Commissaire européen pour le marché intérieur.
Afin d’assurer la confidentialité des échanges entre pays membres, l’Union européenne a décidé de s’appuyer sur différents réseaux. Dès 2019, l’UE avait lancé un projet d’infrastructure européenne de communication quantique (EuroQCI).
Il y a quelques mois, l’agence spatiale européenne (ESA), la Commission européenne et le SES (Société Européenne des Satellites) ont annoncé le développement d’un système de distribution de clés cryptographiques par satellite.
Nouvelle étape dans la politique de souveraineté numérique, IRIS² (Infrastructure européenne pour la résilience, l’interconnectivité et la sécurité par satellite). Un budget de 2,4 milliards d’euros a été voté en février pour permettre à l’UE de déployer sa constellation de satellites multi-orbitaux. L’infrastructure sera achetée par la Commission dans le cadre d’un partenariat public-privé, par le biais de contrats attribués par voie concurrentielle à l’industrie
Synergies avec Galileo et Copernicus
S’appuyant sur la cryptographie quantique grâce à l’infrastructure européenne de communication quantique (EuroQCI), ce réseau satellitaire fournira dès 2025 une infrastructure de communication sécurisée aux organes et agences de l’UE, aux services d’urgence, aux délégations européennes dans le monde entier. Ensuite, ce service devrait être également disponible pour les entreprises.
Des synergies avec les constellations existantes Galileo (navigation par satellite) et Copernicus (observation de la terre) permettront à IRIS² de proposer une grande variété d’applications gouvernementales, principalement dans les domaines de la surveillance (par exemple, la surveillance des frontières), de la gestion des crises (par exemple, l’aide humanitaire) et de la connexion et de la protection des infrastructures clés (par exemple, les communications sécurisées pour les ambassades de l’UE).
Le système permettra également des applications plus « grand public », notamment l’accès mobile et fixe à large bande par satellite, les liaisons par satellite pour les services B2B, l’accès par satellite pour le transport.
Au-delà des aspects géopolitiques d’IRIS², il faut souligner la volonté de l’Europe de stimuler l’innovation et la compétitivité dans l’industrie européenne des communications par satellite, y compris les petites et moyennes entreprises et les start-ups. Une priorité, car l’Europe est encore pénalisée par des investissements trop faibles dans la R&D et par l’absence d’une puissante base industrielle et technologique de défense. En dehors des secteurs de l’aéronautique et des missiles, ce secteur est en effet très fragmenté.
En 2020, les dépenses combinées des États membres en matière de R&D dans le domaine de la défense s’élevaient à 2,5 milliards d’euros. Elles ne représentaient que 1,2 % de leurs dépenses totales en matière de défense, selon une « analyse des lacunes en matière d’investissement dans la défense et la voie à suivre » publiée par la Commission européenne.
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